Alors que la Toussaint et le Jour des morts s'approchent, Lucie Bouteloup décrypte une expression de circonstance avec Georges Planelles !
...
La puce à l'oreille.
Bonjour Lucie.
Bonjour Pascal.
Vous prenez un peu d'avance sur le calendrier aujourd'hui.
Oui, effectivement, bientôt la Toussaint. L'occasion d'aller rendre hommage à ceux qui ont déjà passé l'arme à gauche. Un chouette programme donc pour nous accompagner dans ce périple funèbre, j'ai demandé à Georges Planelles de venir éclairer notre lanterne. Mais avant Pascal, la parole aux enfants.
Pour moi, passer l'arme du côté de la main gauche, ça veut dire que genre, du premier côté, il y a le droit, c'est le bien ; le gauche, c'est celui du mal tout ça et tout. Ça veut dire que quand on a l'arme du bon côté, c'est quand on est du côté très bon.
C'est peut-être... je ne sais pas, quelqu'un qui était peut être au front, au combat, et puis il s'est pété la main droite et résultat des choses, il est obligé de tenir son arme de sa main gauche. Passer l'arme à gauche.
Déjà la main droite c'est une bonne main on va dire. Alors que faire des trucs de la main gauche dans ma religion, on va dire que c'est mal vu. Passer l'arme à gauche : faire du mal.
Ça veut dire pour moi en fait accuser quelqu'un d'autre que soi parce que tu passes l'arme par exemple du crime ou de ta bêtise à quelqu'un d'autre qui se trouve à gauche et tu dis : non, c'est pas moi, c'est lui. Regardez ! Ça veut dire accuser quelqu'un d'autre.
La puce à l'oreille... ta ta tata
Alors Georges Planelles, passer l'arme à gauche, là les enfants on comprend, c'est un petit peu difficile pour eux de comprendre cette expression. D'autant que comme on se l'imagine, elle vient de l'univers militaire.
Oui, parce que passer l'arme à gauche, ça veut dire mourir. Et il est fréquent dans ce métier-là, si on peut dire, que les gens meurent. Malheureusement.
Elle date de quand cette expression?
Elle date du début du XIXᵉ siècle.
Alors pourquoi passe-t-on son arme à gauche?
Alors là encore, ça fait partie des expressions où on a plusieurs origines qui ont été évoquées et pour lesquelles on n'a pas vraiment de certitude. Quelque chose de commun qui ressort régulièrement, c'est qu'à une certaine époque, on considérait que la gauche, c'était quelque chose de maléfique. Pourquoi? Parce que avant de dire gauche, auparavant on disait senestre, tout comme on disait destre aussi.
La sinistra en italien.
Donc c'est quelque chose de sinistre. D'où l'imagination d'associer au mot gauche quelque chose de maléfique.
Gauche maladroit qui est le contraire de la droiture justement de ce qui est correct.
Effectivement. Oui oui, très bonne remarque.
Donc l'arme à gauche, déjà, on sent que c'est mal parti, on ne la tient pas du bon côté.
Exactement. Alors il y a parmi les origines qui ont été évoquées, il y a la pratique de l'escrime. Bon, la majeure partie des gens sont droitiers, donc ils tiennent leur fleuret de la main droite et passer l'arme à gauche, c'était lorsque, d'une botte particulière, l'adversaire réussissait à faire sauter l'épée en la passant du côté gauche de son adversaire. Et à partir du moment où l'adversaire avait perdu son épée il devenait assez facile de le trucider.
Alors autre proposition cette fois-ci qui vient du côté des soldats napoléoniens.
Alors effectivement, les soldats napoléoniens, ils avaient des fusils à un coup qu'il fallait recharger. Mais toujours est-il que pour pouvoir aisément recharger leur arme parce que ça se faisait, le chargement se faisait par le haut. Il fallait poser son arme à gauche, mais comme le canon était assez long, il fallait se redresser un petit peu pour pouvoir recharger le canon, ce qui faisait qu'on pouvait éventuellement sortir un peu le corps et la tête au moins de la des tranchées dans lesquelles on était en fait tout au moins de la protection derrière laquelle on était. Et on devenait à ce moment là une cible assez facile pour les adversaires en face.
Je pense que pour cette expression, il y a aussi une partie qui n'est pas négligeable à prendre en compte, qui est que la gauche c'est peut être aussi le côté du cœur.
C'est du côté du cœur, bien sûr.
Et que quand on met son arme à gauche, peut être que c'est l'endroit.
Parce qu'on a été visé au cœur aussi.
Parce qu'on a été visé au cœur et que donc c'est mortel. Ou alors parce qu'on est un militaire et qu'on tient son arme sur son cœur. Pourquoi pas ?
Alors passer l'arme à gauche : des synonymes, il y en a un paquet, c'est pas ce qui manque, je pense à manger les pissenlits par la racine.
Effectivement, oui.
On dit aussi être six pieds sous terre, oui, on dévisse, on avale même son bulletin de naissance.
C'est vrai.
On casse sa pipe, on clamse, on lâche la rampe.
Également.
En Allemagne, on mord pas la poussière mais on mord l'herbe et on remet la cuillère.
Remettre la cuillère. Je ne connaissais pas.
Et en Tunisie, on dit de quelqu'un qu'il a avalé sa canne. C'est un petit peu l'idée de casser sa pipe.
Oui aussi un peu. Effectivement, ça en est pas loin. Oui, oui, oui.
Au Canada, on accroche ses patins. Ça me faisait penser à l'expression raccrocher. Oui, exactement. Comme quand on dit de quelqu'un qu'il a raccroché ses gants de boxe par exemple.
Mais ça, en général, c'est quand on termine une activité. Mais effectivement, dans le cas...
Définitivement.
...ça peut être définitif. Oui, oui, oui.
Heureusement, Georges Planelles nous n'avons pas encore raccroché les patins et nous aurons encore l'occasion de nous retrouver autour de nouvelles expressions. Merci d'être venu me rendre visite dans La puce à l'oreille. Je rappelle que votre ouvrage Les 1001 expressions préférées des Français vient d'être réédité aux Éditions de l'opportun. À très vite autour d'une nouvelle expression.
Merci. À bientôt.
إظهار أقل إظهار أكثر