22 v’la La Puce ! Et pourquoi pas 22 v’la les flics ? Les chiffres dans les expressions, c'est pas ça qui manque. Il y a par exemple : « se mettre sur son 31 », « se raser la boule à zéro », « c’est reparti comme en 40 » ou encore « se couper les cheveux en quatre »… Mais alors que veut dire ce 22 ? Georges Planelles évoque avec Lucie Bouteloup les différentes pistes sur l’origine de cette expression.
[ Musique ]
La Puce à l'oreille.
22, v'la Lucie.
Bonjour.
Bonjour Pascal.
22 v'la Lucie, et pourquoi pas 22 v'la les flics pendant qu'on y est.
Les fliquettes.
Les fliquettes, absolument. Alors les chiffres dans les expressions, on connaît : il y a se mettre sur son 31, il y a se raser la boule à zéro ou encore se couper les cheveux en quatre. Mais ce 22, il vient d'où ? Eh bien, Georges Planelles, l'inventeur du site Expressio, va nous livrer les différentes pistes d'explication. Mais avant 22, v'la les gosses !
Ça peut être un nom de code et peut-être deux collègues qui se parlent. Et puis, d'un coup, il y en a un qui voit la police et puis qui dit : « Merde, 22 il y a des flics. »
Et l'expression « se mettre sur son 31 », du coup, peut-être que 22 en fait c'est l'inverse, c'est genre, ouais, c'est pas une bonne nouvelle quoi, 'fin, genre c'est pas bien. Du coup, bah c'est peut-être : « Oh, non, zut, genre ! »
C'est un autre terme : le arah. Arah, c'est le cri des choufs dans les cités françaises.
Il y avait
22 jeunes sur ce coup-là. C'était un des plus gros coups du siècle. C'est, je crois, une cargaison de drogue, un truc comme ça. Pour la police, qu'es-ce qu'ils ont fait ? Ils se sont dits, ils sont 22, on va y aller à 22 heures. Sauf que, dès que les jeunes ont vu les flics, ils ont dit : « Punaise, il est 22 heures, faut qu'on parte... »
22, c'est la loose !
La puce à l'oreille... ta ta da da !
Alors, Georges Planelles, 22 ? Qu'est-ce que ça veut dire que cette expression, 22 ? On imagine le message codé tout de suite.
Oui, ben 22 ça veut dire faites attention, on va, on risque d'avoir des soucis.
Ok.
Alors pourquoi ? Est-ce que vous pouvez nous décoder ce message ?
Alors c'est Claude Duneton, que vous connaissez forcément,
a avancé ...
L'auteur de La Puce à l'oreille.
L'auteur de La Puce à l'oreille, comme par hasard, a avancé effectivement une explication qui vient des typographes. Il faut rappeler quand même que les typographes, au milieu du XIXᵉ siècle, à l'époque où l'expression est apparue, les typographes, c'étaient des gens qui travaillaient dans une imprimerie, chez un éditeur ou dans un journal, et qui, à l'aide de caractères en plomb, construisaient les planches qui allaient permettre d'imprimer les pages des livres ou des journaux. Et ils travaillaient dans des ateliers dans lesquels il fallait impérativement qu'il y ait du silence pour qu'ils ne commettent pas d'erreurs lorsqu'ils composaient les planches de caractères en plomb qui allaient permettre l'impression. Donc, il fallait du silence.
Et ces fameuses lettres avaient des tailles différentes.
Alors les tailles aux alentours de dix étaient les tailles les plus fréquemment utilisées. Il y avait donc un contremaître qui surveillait tous les typographes qui travaillaient dans l'atelier et lorsque le contremaître s'absentait, c'était la bonne occasion pour les typographes de commencer à discuter un petit peu. Simplement, lorsque le contremaître arrivait, il fallait faire silence et dans ce cas-là, les typographes pour signaler l'arrivée du contremaître disaient « 22 » qui correspondait à une grande taille, ce qui voulait dire « attention, v'là le contremaître, il faut s'arrêter de papoter ».
Donc 22 pour le contremaître, mais c'est pas tout, parce qu'apparemment on pouvait utiliser d'autres numéros en fonction de l'importance des personnes dont il était question, comme par exemple :
44 pour le grand patron, vous comprenez ?
Le double de 22.
Le double exactement.
Donc c'était une façon de parler du contremaître et de toutes ces personnes sans éveiller trop l'attention.
Exactement.
Mais cette explication ne figure pas dans l'argot des typographes et elle est contestée. Donc il y a d'autres pistes.
Alors, effectivement, il y a quelques autres explications qui ont un petit peu fleuries. La plus communément citée, c'est que si vous faites la somme du rang des caractères dans l'alphabet de chef : c h e f, le C étant la troisième lettre et ainsi de suite, d'accord, si vous faites le total, vous arrivez à 22. Sauf que, apparemment, à cette époque-là, on ne parlait pas de chef. Le contremaître, par exemple, s'appelait un prote et non pas un contremaître ou un chef. Une autre possibilité, c'était, paraît-il, la veste des policiers de l'époque, qui comportait 22 boutons. Ou les vestes comportaient onze boutons, mais comme les policiers étaient souvent deux par deux, ça faisait 22 boutons. Donc, ça pouvait dire : « Attention, 22, v'la les flics. » Il y a une chose...
D'où l'expression.
Il y a une chose qui s'oppose à ça... [...] Il y a quand même une petite chose qui s'oppose à ça, c'est que, le 22 tout court est apparu au milieu du XIXᵉ siècle, et le 22 v'la les flics est apparu à la fin du XIXᵉ siècle.
Pour autant, cette expression, 22 v'là les flics, elle est vraiment restée.
Oui, elle est restée effectivement. Ben, le 22 n'avait pas de raison de rester. Les typographes ont disparu. Enfin, si, vraiment ça venait des typographes. Mais effectivement, le 22 v'la les flics est resté, oui.
Donc elle est restée comme un signal entre eux, par exemple des brigands...
En général...
Pour se prévenir entre eux...
En général des truands...
Attention, les flics arrivent. Et puis dernière possibilité ?
La plus simple et peut-être la plus réelle j'allais dire, c'est tout simplement la déformation du juron « vin Dieu » qui, au fur et à mesure, dans le temps, se serait transformé en 22. Vin Dieu les flics arrivent. Vin Dieu on va revoir des soucis... Il est tout à fait possible que ça soit là qu'est réellement l'origine.
J'ai pas trouvé de synonyme à 22.
Non, j'en connais pas non plus.
Merci Georges Panelles d'être venu dans La Puce pour éclairer notre lanterne. Je rappelle que votre ouvrage Les 1000 et une expression préférées des Français vient d'être réédité aux éditions de L'Opportun. À très vite autour d'une nouvelle expression.
Merci, à bientôt !
إظهار أقل إظهار أكثر