Un « homme de paille » est une expression qui équivaut à peu près à « prête-nom ». Des personnes mises en avant comme propriétaires d'une société, qui en fait sont possédées par d’autres qui ne veulent pas se révéler. Malin, non ? Aussi, pourquoi dit-on « être sur la paille » quand on est ruiné ? Alors que quand quelqu’un s'avère chanceux aux jeux, on parle d'une « paille » ? Dans cette chronique avec sa transcription, Yvan Amar nous explique la duplicité de ce mot : « paille ».
C'est le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Les informations entendues sur RFI hier informaient - tout en le regrettant - qu'une décision de l'Union européenne rende plus difficile la lutte contre le blanchiment d'argent. En effet, il est maintenant interdit de se renseigner sur les bénéficiaires des sociétés européennes. Bon, ça peut se comprendre parce que ça expose ces bénéficiaires à certains dangers : fraude, enlèvement, etc. C'est ce qu'ils disent. Mais en même temps, cet accès permettait de lutter contre les sociétés-écrans dirigées par des « hommes de paille ». Alors, qui sont ces « hommes de paille » ?
« Homme de paille », voilà une expression qui équivaut à peu près à « prête-nom » des personnes qui sont mises en avant comme propriétaires ou gérantes de sociétés qui en fait sont possédées par d'autres, mais d'autres qui ne veulent pas se révéler. C'est ainsi que fonctionne beaucoup d'entreprises, en particulier celles qui sont basées dans des paradis fiscaux, qui ne souhaitent pas que soient trop connues leurs liens avec d'autres pays. « Homme de paille », donc, c'est-à-dire bien sûr : homme qui ne pèse pas lourd. On imagine même un mannequin, ou plus exactement un épouvantail qui est fabriqué à l'aide de ballots de paille, revêtu d'habits pour faire croire à l'existence d'un humain qui est planté dans un champ. Ça permet de faire peur aux oiseaux et de les éloigner. Ça permet aussi peut-être de berner les gendarmes fiscaux quand on parle d'« homme de paille ».
Et bien entendu, l'image est présente, mais de façon générale, la paille représente souvent « ce qui ne vaut pas grand chose ». Au départ. Qu'est ce que c'est ? C'est la tige de céréale qui est débarrassée de la graine. Donc elle est sans valeur et elle est sans poids, pourtant pas totalement sans qualités. La paille, ça tient chaud, au propre comme au figuré. « Il a de la paille dans ses sabots », dit-on dans une langue familière aux accents ruraux. Ça veut dire qu'on a des économies substantielles, qu'on a dû bien - et parfois même - dû bien cacher dans ses sabots. Mais paradoxalement, la paille évoque plus souvent encore le manque d'argent et parfois la faillite. La crise l'a « mis sur la paille », c'est-à-dire la crise l'a ruiné. Il est sur la paille, il n'a plus rien. Et l'image figure celui qui n'a même plus de lit pour dormir dans la grange. Il dort à même le sol sur un matelas de paille. Et le mot évoque bien souvent le brin de paille qui vole au vent, parce qu'il est très léger, avec un sens ironique. D'ailleurs. On dit « presque rien » pour signifier le contraire, pour signifier énormément. « Il a gagné en cinq minutes 50 000 € au casino... Une paille ! » c'est-à-dire trois fois rien, mais pour sous-entendre que c'est colossal. Il ne faudrait pas oublier la paille dont on se sert au café. C'est-à-dire une petite tige creuse pour boire en aspirant. Et puis enfin, ce minime défaut qu'on voit chez les autres alors qu'on ne voit pas ses propres vices. C'est une parabole de la Bible à propos de celui qui voit la paille dans l'oeil de son voisin, alors qu'il ne voit pas la poutre qui est dans le sien.
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