Ron DeSantis fait « du Trump à la place de Trump ». Drôle de formule… Mais sur quoi est-elle calquée ? On entend, en filigrane, qu’il veut être calife à la place du calife. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Ron DeSantis, le Républicain qui veut « faire du Trump à la place de Trump ». Ah voilà une formule ironique, bien sûr. Je l'ai entendu sur RFI en fait. Bon, elle est relativement peu aimable pour qualifier l'image qui est en train de se construire. Le gouverneur de Floride, qui cache de moins en moins ses intentions de se présenter à l'élection présidentielle américaine en représentant le Parti républicain. Mais cette formule « faire du Trump à la place de Trump », elle est intéressante parce que par derrière, elle reprend une phrase bien connue depuis quelques dizaines d'années. Si DeSantis veut « faire du Trump à la place de Trump », c'est qu'il veut être calife à la place du calife. Justement, c'est une phrase courante et ironique pour pointer du doigt l'ambition en général maladroite et voyante de quelqu'un qui vise un poste ou un avantage. Et c'est cette formule qu'on entend en filigrane qu'on entend par derrière.
Alors attention, dans cet exemple, les informations de RFI note que Ron DeSantis n'est pas si ridicule que ça dans ce qui peut apparaître comme une pré-campagne électorale. Et en fait, il prend progressivement la place qui est plus ou moins abandonnée par Donald Trump à cause de ses outrances. Mais attention, quand on dit de quelqu'un « il veut être calife à la place du calife », en général, c'est l'ambition qui est dénoncée. Même pire que l'ambition, c'est l'arrivisme. Au départ, il s'agit plutôt de pointer du doigt un arrivisme au front un peu bas qui vise les honneurs, l'argent, qui souhaite occuper une place qui n'est pas nécessairement méritée et surtout qu'on n'atteint pas vraiment par les voies les plus loyales. Et tout cela nous arrive grâce au succès, ancien maintenant, d'une bande dessinée française dont les personnages font partie de l'imaginaire francophone aujourd'hui. C'est « le petit monde d'Iznogoud ». Et si ce petit monde a eu du succès, cela se mesure à ce que certains traits de ces histoires sont connus de ceux qui ne les ont jamais lu. Peut-être que vous n'avez jamais lu les histoires d'Iznogoud et que vous comprenez cette formule « être calife à la place du calife ».
Cette phrase, elle est devenue un cliché un petit peu figée et elle exprime le désir profond de celui qui veut prendre le pouvoir et donc éliminer celui qui le possède. Enfin, la phrase est amusante, le malheureux vizir ne dit pas qu'il veut être calife, ni qu'il veut prendre la place du calife. Il utilise une répétition délibérément sotte, niaise. Être calife à la place du calife, alors ça donne un caractère à la fois sot et enfantin à ce projet noir et naïf. Régression, envies, mauvais sentiments, tout ça, bien sûr, nous fait rire aux dépens du malheureux Iznogoud. Iznogoud, c'est un stéréotype, il est prévisible, il est méchant, il est un peu bête, il est assez inefficace et il n'arrive jamais à ses fins. Jusqu'au nom d'ailleurs, qui va évoquer son incompétence dans un franglais relativement bricolé puisqu'on l'appelle Iznogoud. Qu'est-ce que ça veut dire Iznogoud ? Bah c'est celui qui est mauvais, c'est celui qui n'est pas bon. Et on a d'autres images, évidemment, qui expriment les mêmes sombres envies de façon aussi plaisante ou moqueuse. Quand on dit de quelqu'un « il a les dents qui rayent le parquet », c'est une extension de l'expression courante avoir les dents longues. Et bien sûr, on a d'autres synonymes amusants pour se moquer de ses avidités de pouvoir. En Suisse, par exemple, on parle des grimpions ceux qui veulent grimper plus vite que les autres ou plus vite que leur ombre.
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