La colère de Poutine s’abat sur l’Ukraine après l’explosion du pont de Crimée. Un titre de RFI, bien représentatif de la personnalisation du pouvoir russe. Ainsi craint-on ses réactions. Et sa colère ! Et « la colère de Poutine »… Le mot colère peut aussi représenter celle qu'a éprouvé Achille contre Agamemnon dans l'Iliade d'Homère. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF)
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Le mot de l'actualité avec la Délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
« La colère de Poutine s'abat sur l'Ukraine après l'explosion du pont de Crimée. » C'est un titre que j'ai entendu en écoutant RFI et qui est bien représentatif de la personnalisation du pouvoir russe. On sait que la Russie a déclenché une guerre contre l'Ukraine. Souvent, les médias envisagent la responsabilité de cet État. Mais aussi, souvent, plus peut être, on concentre la référence à cet État russe en nommant, soit le centre de décision, le Kremlin - on en a parlé déjà - soit carrément le président russe. Alors, bien sûr, la Russie n'est pas la seule à être traitée de la sorte : on peut faire référence plutôt qu'à la France, à l'Ukraine, aux États-Unis, à Macron, à Biden, à Zelensky. Mais cette façon de dire est peut-être plus fréquente en ce qui concerne la Russie, qui a un lourd passé. Ce qu'on a appelé le culte de la personnalité avait déjà largement fleuri avec Staline. Mais dans l'actualité récente, on a l'impression que l'individu Poutine, ses ambitions, son caractère sont prééminents dans la situation. Comme si c'était lui, personnellement, qui était humilié par certains succès ukrainiens. Ou comme si, très personnellement aussi il pouvait se glorifier des succès russes ou être giflé par les revers de l'armée russe. Alors, est-ce qu'on craint ses réactions? Oui, bien sûr. On craint sa colère. La colère de Poutine, voilà qui fait frissonner. Parce que ça sonne aussi comme une vraie formule : la colère de Poutine. Presque une expression soudée, qui en rappelle une autre, dans un contexte tout à fait différent : La colère d'Achille. Cette dernière phrase, elle est bien connue. C'est le premier épisode du récit de la guerre de Troie dans l'Iliade, ce fameux poème d'Homère. Un récit qui n'est pas chronologique et qui commence alors que la guerre des Grecs contre les Troyens est déjà en cours depuis longtemps, mais qui commence par cette colère d'Achille. Achille, il est furieux contre Agamemnon, qui est son chef, le roi des rois, qui commande toutes les troupes grecques, à la suite d'une dispute de butin. Parce qu'Agamemnon a pris la captive troyenne qu'Achille convoitait. Mais cette colère, bizarrement, elle n'a pas pour effet plus de combats ou plus de morts. Au contraire, la colère d'Achille a pour conséquence qu'Achille se retire du combat et refuse de continuer cette guerre. Alors, revenons à notre mot « colère ». On sait bien ce que c'est : c'est un état de très vif mécontentement, et qui s'exprime contre quelqu'un ou contre quelque chose. Donc, dans l'idée de colère, on a à la fois mécontentement et agressivité. Certains se mettent en colère plus que d'autres, c'est vrai. Ils sont, comme on dit : « coléreux » ou « colériques », les deux adjectifs existent. Mais on sait aussi que la colère est un état en principe passager, qui n'a pas bonne réputation. « La colère est une courte folie », disait un proverbe latin, puis français. Et pourtant, le mot remonte au grec, même s'il est passé par le latin : la colère au départ, c'est la bile, et c'est la bile qui s'échauffe et qui est censée produire cet état de fureur qui ne doit pas durer.
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