Va-t-on gréver si on a l’intention de faire la grève ? On l’entend en France, mais de façon plaisante, à la manière d’un jeu de mot. Pourtant, en Afrique, le mot est d’un usage courant, et on trouve d’autres exemples de créations semblables : siester, cadeauter… Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Hier, une nouvelle journée d'action a rassemblé pas mal de monde qui s'opposaient à la réforme des retraites voulue par le gouvernement. Alors combien ? C'est là que les avis divergent. Mais enfin, c'est l'habitude, ça peut se comprendre d'ailleurs. Les syndicats et les pouvoirs publics ne sont pas d'accord sur le nombre de personnes qui ont fait la grève. Est-ce qu'on parle du nombre de personnes qui ont grevées ? Bah pas à la radio, pas dans les journaux, pas en tout cas dans une langue surveillée. Mais c'est une expression que j'ai entendue tout récemment. « Est-ce que tu grèves toi ? Oh, ils vont pas encore gréver. » etc. C'est utilisé de façon plaisante pour s'amuser. Un genre de jeu de mot qui utilise un mot qui n'existe pas, mais dont on comprend la formation et donc dont on devine le sens. Gréver pour faire la grève.
En revanche, dans beaucoup de pays d'Afrique francophone, ce verbe gréver est un mot qu'on utilise couramment sans intention particulière de faire sourire. Ça fait partie du français usuel. Ce qui peut se comprendre également parce que le verbe grèver, il est parfaitement formé à partir du mot grève et au lieu d'utiliser le verbe faire, qui est-ce qu'on appelle en grammaire un semi-auxiliaire, donc au lieu de dire faire la grève, on fabrique un verbe du premier groupe à partir du nom commun : gréver.
Et en Afrique d'ailleurs, on va trouver d'autres exemples de ce genre de dérivation tout à fait logique. Gréver pour faire la grève, mais aussi siester pour faire la sieste. Le processus est rigoureusement le même et de la même façon, on peut entendre le verbe en France de façon plaisante, alors qu'en Afrique, il est tout à fait courant. Et on pourra signaler d'autres créations typiques du français d'Afrique, à peu près sur le même modèle par exemple, cadeauter pour dire qu'on fait un cadeau. Alors, on peut entendre cadeauter, on entend parfois aussi cadonner et on comprend la formation cadeauter à partir de cadeau et pour cadonner, on a un jeu de mot en plus parce que le verbe fait calembour avec donner qui signifie souvent offrir. Et donc fait partie du vocabulaire du cadeau. Mais on a aussi farauter, farauter ça veut dire faire le faraud ou à peu près. Et un faraud dans un français déjà ancien, c'est un vantard. Alors farauter, ça évoque une attitude avantageuse qui vous met en valeur de façon superficielle, un peu excessive : il faraute auprès des filles ententons souvent. Et d'ailleurs, une dérive de sens existe puisque ce même verbe peut vouloir dire soudoyer, corrompre. Est-ce qu'il y a un rapport entre les deux sens ? Difficile à dire, mais on peut peut-être penser que le corrupteur met son argent en avant pour obtenir ce qu'il veut. En tout cas, il faraute, ça s'entend, par exemple, en Afrique centrale, dans certains pays.
显示更少 显示更多