En Géorgie, on va enregistrer les « agents de l’étranger ». Qui sont-ils ? On n’en sait rien, mais rien que le nom qu’on leur donne les fait apparaitre comme suspects. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Une loi adoptée avant-hier en Géorgie fait polémique. C'est celle qui concerne l'enregistrement des agents de l'étranger. Ils doivent se faire enregistrer. Ah en effet, voilà de quoi jeter la suspicion sur les personnes qui seront enregistrées comme telles. Parce que rien que le mot qui les désigne « agent de l'étranger », ça les rend déjà suspects. Évidemment, cette expression, elle est utilisée soit en russe, soit en géorgien. Mais enfin, il y a suffisamment d'équivalence dans les langues diplomatiques pour qu'on se rende bien compte de ce que ça implique.
Et voilà une expression « agent de l'étranger » qu'on a beaucoup employée à propos des espions, c'est-à-dire des personnes qui appartiennent à une certaine communauté, mais qui travaillent pour une autre, ou bien des ressortissants d'un pays étranger qui sont légalement dans un autre pays, mais qui en profitent pour travailler pour leur patrie et œuvrer contre le pays qui les accueille. Alors attention, le mot n'est pas systématiquement péjoratif. Ces agents, parfois, ils ont fait rêver comme les héros de roman qu'ils étaient. On les a appelés aussi des agents secrets, des agents doubles s'ils jouent un double jeu. Et les plus célèbres, ils ont plutôt appartenu à une littérature qui fleurissait à l'ombre du rideau de fer avant la chute de l'Union soviétique. On avait les bons espions qui travaillaient pour ce qu'on appelait le monde libre contre les puissances de l'Est. Bah, c'était la tradition romanesque de l'Europe occidentale.
Mais la discrétion proverbiale de ces agents de l'étranger est contenue même dans le nom qu'on leur donne : des espions. Alors, le S du mot espion, il a été baladeur. Parfois, il a disparu. On parlait d' « épions ». Mais justement, là, quand on se rappelle cette forme ancienne du mot, on voit tout de suite qu'elle appartient à la famille du verbe « épier ». Celui qui voit sans être vu, qui écoute sans se faire remarquer, qui vole de l'information secrète pour l'envoyer à ceux qui sauront l'utiliser.
Alors revenons à nos agents. Le mot lui-même, est très neutre, peut-être trop d'ailleurs, et dans différentes situations, il a évoqué des fonctions tout à fait diverses : les agents de police par exemple. On n'emploie plus tellement cette expression à propos des policiers urbains qui, sous cette appellation, avaient l'air plutôt inoffensifs. On disait, on chantait, même les agents sont de braves gens. Vieille chanson populaire française. Et aujourd'hui, ceux qu'on appelle les agents de propreté, ce sont simplement les personnes responsables du ménage. Et un agent, c'est celui qu'on paye, qu'on installe pour agir. Et ce qui est étonnant, c'est qu'on va trouver le terme associé à bien autre chose que des êtres humains. Les agents thérapeutiques, par exemple, sont les produits qui soignent alors que les agents pathogènes sont ceux, évidemment, qui rendent malade.
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