Jouer les Cassandre = prédire, annoncer de mauvaises nouvelles
Issued on:
Play - 04:18
Chaque semaine, Lucie Bouteloup décrypte les expressions populaires avec des linguistes. Aujourd'hui, l'expression : « Jouer les Cassandre » avec Sylvie Brunet, linguiste et auteure de « En voiture, Simone ! Tu parles, Charles. 300 expressions qui jouent avec nos prénoms » aux éditions de l'Opportun.
...
La puce à l'oreille.
Bonjour Lucie Bouteloup. Bonjour Pascal. Aujourd'hui, on joue comme souvent avec vous.
On joue quoi ? On joue les Cassandre.
Mais c'est pas joyeux, joyeux.
C'est pas joyeux, joyeux, c'est le moins qu'on puisse dire. Parce que aujourd'hui donc, on va jouer les Cassandre avec Sylvie Brunet. Mais savez vous au fait qui est cette Cassandre ? Et surtout pourquoi on associe son nom à une tragédie? L'occasion peut-être de revoir votre mythologie. Et manifestement, mes deux ados ont besoin de reprendre quelques cours.
Bah pour moi, jouer les Cassandre, c'est comme jouer de la casserole, et quand on dit tu chantes comme une cassserole, ça veut dire que tu chantes mal, et bah ça veut dire tu chantes faux. Tu mens quoi. Tu joues les Cassandre, c'est peut-être comme tu joues les divas. Arrête de faire ton cirque, tu joues trop les Cassandre, c'est peut être ça. Je connais une fille qui s'appelle Cassandre. Cassandre c'est pas ... Si je sais ce que c'est. C'est une épice. On en met ... C'est trop bon la cassandre. C'est pas la cannelle plutôt ? Si c'est cannelle. Moi Cassandre, ça me fait penser à casse, genre, tu me casse les pieds, tu me soules. Fin Cassandre, voilà, ça veut dire arrête de te toucher la Cassandre, arrête de m'embêter, arrête de souler.
Alors, Sylvie Brunet, est-ce que Cassandre, c'est celle qui casse les pieds ?
Euh non, pas vraiment. On casse pas les pieds, c'est pas question de casserole ni de coriandre, c'est tout à fait autre chose. Et ça fait référence effectivement à la mythologie. Et toutes ces expressions, puisqu'il y en avait beaucoup en français, avec des prénoms issus de la mythologie. Elles appartiennent à une époque où tout le monde connaissait sa mythologie sur le bout des doigts. Au XIXᵉ siècle, tout le monde savait qui était Cassandre. C'est vrai que maintenant, c'est devenu beaucoup plus difficile de situer les personnages mythologiques. Donc la Cassandre en question, c'est la fille du roi de Troie, de Priam et Hécube, et elle a hérité d'un don extraordinaire. Elle voit l'avenir et en même temps, comme elle a refusé les avances d'Apollon, elle a été punie par le Dieu qui lui a dit effectivement, tu annoncera ce qui se passe dans le futur, mais tu ne seras jamais cru. Et donc elle annonce ce qui va se passer pour la guerre de Troie. Et bien entendu, personne dans le camp troyen ne la croit.
Donc elle assiste, totalement impuissante en fait, à la chute de Troie.
Absolument.
Alors cette expression, elle est utilisée depuis quand?
Depuis le XIXᵉ siècle, de façon très courante. Et d'ailleurs, ce qui est intéressant, c'est qu'elle a évolué cette expression. Maintenant, nous on la comprend plus tout à fait, parce que autrefois, « jouer les Cassandre », c'était à la fois prédire l'avenir et ne pas être crue. Et maintenant, au sens où nous nous l'employons, c'est prédire des choses horribles qui vont se passer.
Et prédire les catastrophes quoi. On est en quelque sorte l'oiseau de mauvais augure.
L'oiseau de mauvaise augure, absolument. On l'a beaucoup entendu avec tout ce qui se passe sur l'environnement, le réchauffement climatique, quelqu'un qui prend la parole pour dire voilà ce qui va se passer dans les années qui viennent avec le réchauffement climatique. On lui dit vous jouer les Cassandre.
Alors Sylvie Brunet, des expressions avec des prénoms issus de la mythologie dans votre ouvrage, il y en a beaucoup. Je pense notamment à « faire sa Pénélope », en référence à Pénélope, la femme d'Ulysse, qui l'a attendu pendant de longues années en tissant sa tapisserie.
Voilà, elle symbolise la patience. On pouvait dire par exemple des femmes, des marins, que c'était des Pénélope. Elles attendaient le retour de leur homme.
Il y a le « talon d'Achille » de quelqu'un.
Absolument. Ça veut dire le côté fragile de cette personne par où on pourra l'atteindre.
Ou le travail de Titan ou d'Hercule pour parler d'un travail colossal.
Absolument, oui, puisque Hercule avait eu le malheur d'hériter de douze travaux phénoménaux à accomplir.
Il y a encore tant et tant d'histoires à nous raconter autour des prénoms. Sylvie Brunet, merci d'être venue dans la Puce pour en évoquer quelques unes avec moi. Je rappelle que votre ouvrage « 300 expressions qui joue avec nos prénoms », est réédité aux éditions de L'eau Portant. À très bientôt Sylvie Brunet. À bientôt !
Merci.
See less See more