Tirer son chapeau = rendre hommage à quelqu'un
Primera modificación:
Escuchar - 05:32
Tirer son chapeau, une expression un peu désuète qui évoque la pratique sociale du salut et qui témoigne d'une époque disparue. Lucie Bouteloup reçoit Bérengère Baucher, directrice éditoriale aux Éditions Le Robert.
Tirer son chapeau c'est... quand tu dis bonjour, je pense. Bah, on a un chapeau sur la tête et
on le tire. C'est un peu comme tirer la révérence ou alors s'incliner devant quelqu'un... Ça veut dire qu'on lui montre un certain respect. Elle vient peut être de l'aristocratie, des oligarques du
XVIIIᵉ siècle. Ça veut dire, genre dire bravo à quelqu'un mais je sais pas parce que à l'époque c'est une révérence, genre enlever son chapeau, et il tient. Pour moi ça veut dire féliciter quelqu'un parce que tu dis un chapeau quand t'as réussi quelque chose, peut-être parce que toutes les bonnes impressions qu'on a eu de quelqu'un, ça vient de notre cerveau. Et du coup, bah, on imagine que genre toutes les bonnes intentions qu'on a eues envers lui, et bah quand va enlever le chapeau, elles vont toutes se libérer.
Bonjour Bérangère Baucher. Alors tirer son chapeau, les enfants connaissent pas toujours cette expression. Est ce qu'on sait de quand ça date cette expression et qu'est ce qu'elle veut dire?
Alors effectivement, c'est une expression qui est un peu désuète quand même, qui évoque la pratique sociale du salut et qui témoigne d'une époque disparue, celle où le chapeau était un objet vestimentaire indispensable. Cette époque, elle a perduré longtemps jusque dans les années 60. Tirer son chapeau à quelqu'un signifie à l'origine saluer quelqu'un en portant vraiment son chapeau vers le bas. Et puis ensuite, les locutions construites avec chapeau se sont un peu déplacées à partir du 16ᵉ, 17ᵉ siècle dans des expressions qui transposent au figuré des marques concrètes de respect. Il ne s'agit plus simplement de saluer, mais d'exprimer son admiration, de rendre hommage. Donc tirer son chapeau tel qu'on le connaît aujourd'hui, c'est vraiment rendre hommage à quelqu'un. On trouve dans la même veine d'ailleurs « chapeau bas », qui est d'ailleurs parfois accompagné encore aujourd'hui d'un geste mimant le fait d'ôter son chapeau ou « chapeau l'artiste » qui elle aussi est un petit peu obsolète.
Ou « chapeau » tout court d'ailleurs.
Absolument. On emploie de manière elliptique la forme chapeau pour faire part de ses félicitations et chapeau est ressenti comme un synonyme de bravo. Ce qui est intéressant dans le cas de « chapeau », c'est que le mot est passé du statut de nom à celui d'interjections, voire d'adverbe. Chapeau!
Et puis le chapeau, c'est aussi l'extension de la tête, notamment quand on dit de quelqu'un qui travaille du chapeau, c'est à dire qui travaille un petit peu trop du ciboulot au point qu'il est peut être un peu fou, il travaille trop de la toiture.
C'est exactement ça ! « Travailler du chapeau », vraiment, ça se dit d'une personne qui raconte n'importe quoi, voire qui délire. Et il y a plusieurs hypothèses qui sont formulées. La plus plausible, c'est peut être que ça venait des vapeurs de mercure qui s'échappaient autrefois lors du procédé de fabrication des chapeaux de feutre et qui rendaient les chapeliers artisans malades et qui pouvaient occasionner même des troubles psychiques graves.
Et le chapeau, on le retrouve aussi dans d'autres expressions, notamment quand on dit de quelqu'un « qu'il enfonce son chapeau » au 17ᵉ, ça veut dire qu'on prend une attitude menaçante. On comprend tout de suite si on enlève son chapeau pour saluer quelqu'un. Évidemment, si au contraire on l'enfonce, c'est au contraire qu'on manque de respect, voire qu'on devient menaçant.
Absolument. J'aimerais aussi attirer votre attention sur une autre expression où on voit que le chapeau n'est plus simplement pris comme accessoire d'habillement et de mode, mais revêt d'autres emplois techniques, notamment. Alors en botanique, on parle de chapeau pour un champignon. Et en mécanique automobile, où le chapeau désigne un enjoliveur, cette pièce métallique qui protège le moyeux d'une voiture. D'où cette expression très connue qu'on utilise encore depuis la fin du XIXᵉ siècle sur les chapeaux de roues qui veut dire à toute allure, à grande vitesse. Et je l'aime beaucoup parce qu'elle est... effectivement employée pour désigner un véhicule qui démarre très rapidement et qui prend un virage à toute vitesse, obligeant la voiture à s'incliner jusqu'à presque toucher la route avec les chapeaux de ses roues. Et vous parliez de la tête tout à l'heure. Le chapeau, étymologiquement, c'est apparenté au latin caput qui veut dire tête et qui a donné aussi capot au sens strict, ce qui recouvre le moteur. Donc on voit bien qu'il y a là un lien avec l'automobile depuis le début.
Et puis aussi, on fait « porter le chapeau à quelqu'un », ça veut dire qu'on lui fait porter la responsabilité de quelque chose qu'il n'a pas commis.
Exactement. Alors là aussi, il y a plusieurs explications. Le dictionnaire historique de la langue française explique qu'autrefois les hommes étaient les seuls responsables de la famille. On parlait de père de famille et en même temps portaient un chapeau. Donc porter le chapeau voulait dire assumer la responsabilité de quelque chose, vraiment être le patriarche de la famille.
Et dans le pire des cas. Et donc « on en bave des ronds de chapeau ».
Oui, alors là encore, il faut en revenir à la pratique de la fabrication du chapeau. Le rond, le chapeau, qu'est ce que c'est? C'est un cercle en plomb qui est lourd et difficile à manier et que les chapeliers, les modistes utilisaient pour maintenir la forme du chapeau durant sa fabrication. Donc en baver devant le chapeau, ça veut dire vraiment souffrir pour faire le chapeau et évidemment par extension, souffrir tout court. Et finalement, c'est un synonyme d'en baver. En baver, concrètement, c'est vraiment ouvrir la bouche quand on a une tâche pénible à faire au point d'en saliver.
Et au point d'avoir la bouche ouverte en forme de O comme ce fameux rond de chapeau. Il y a une double image.
Absolument. Il y a une analogie morphologique, si je puis dire aussi.
Eh bien chapeau l'artiste Bérangère Baucher. Merci beaucoup pour vos explications autour de cette expression. Je rappelle que le nouveau magnifique dictionnaire historique de la langue française vient de paraître une ultime édition sous la direction d'Alain Rey. Merci beaucoup Bérengère et à très bientôt autour d'une nouvelle expression.
Merci beaucoup.
Ver menos Ver más