Être tiré à quatre épingles = être habillé de façon très élégante
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La Puce à l’oreille vous souhaite une merveilleuse année 2023 et pour l’occasion Lucie Bouteloup « est tirée à quatre épingles » ! Une nouvelle expression décryptée par Bérengère Baucher, responsable éditoriale aux éditions Le Robert. Et toujours avec la complicité des enfants.
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Bonjour Lucie.
Bonjour Pascal.
Bonne année puisque c'est encore la période.
Bonne année, meilleurs vœux.
Est ce que vous avez été au top pendant ces fêtes?
J'étais absolument au top. Faut dire que j'avais mis le paquet et j'étais tiré à quatre épingles. Expression. Absolument alors, « tirer à quatre épingles » qu'est ce que ça veut dire? On en parle tout de suite avec Bérangère Baucher, des éditions du Robert. Mais avant Pascal, comme d'habitude, les enfants.
Moi je dirais que ça voudrait dire être tendue ou être joyeuse, ou quelque chose de positif. Bah c'est comme quand on fait de la couture et qu'on tire l'épingle pour la rentrée dans les fils. On tire à quatre épingles en même temps. Bah ça vient peut être de quand les femmes, elles se coiffent, elles mettent des épingles dans leurs
cheveux.
Quatre épingles comme les quatre coins, ça veut dire que... elles ont plein d'épingles dans les cheveux. Du coup elles ont des belles coiffures et ça veut dire bien se tenir.
Imaginons que on est écartelé et il y a une personne qui prend notre pied, une personne qui prend notre deuxième pied, une personne qui prend notre bras et ainsi de suite. Et en fait au bout d'un moment, bah ça veut dire que tout le monde te veut. Et sauf que toi, bah tu sais pas trop quoi faire. Genre tu dis oh là là, je suis tiré à quatre épingles. Toi, t'as même pas le temps de t'organiser.
Bonjour Bérangère Baucher, alors est ce que vous êtes tiré à quatre épingles?
Pas vraiment aujourd'hui.
De quand elle date cette expression « être tiré à quatre épingles » ? Et puis d'abord, qu'est-ce que ça veut dire?
Alors elle date du XVIIᵉ siècle, XVIIIᵉ siècle, elle désignait quelqu'un vêtu avec art, avec symétrie, avec un soin très méticuleux. Elle a pris depuis un sens un peu péjoratif, en étant plus souvent appliqué à quelqu'un dont la tenue est jugée un peu trop soignée, un peu trop léchée, manquant de naturel.
On est un peu endimanché, quoi.
C'est exactement ça. Oui, trop endimanchée. Alors cette expression, elle est née à la fin du XVIIᵉ siècle. Il faut bien voir que dès le XVIᵉ siècle, on disait déjà d'une personne qui était bien habillée qu'elle était bien tirée, employée de manière absolue. Et de fait, on peut imaginer que les bourgeois, les nobles qui portaient des bas de chose, des jambières, avaient besoin d'avoir des bas justement bien tirés vers le haut, bien ajustés, pour faire un minimum de plis en fait. Voilà, c'était ça aussi qui présentait bien.
Alors ça, c'est pour l'emploi du verbe tirer dans notre expression. Mais pourquoi à quatre épingles? Ce qui est intéressant là, c'est cette symbolique du quatre.
En fait, ça paraît de manière tout à fait prosaïque, assez simple. Pourquoi quand on a un carré de tissu, mettons, on veut qu'il soit bien tendu, Il suffit de quatre épingles plantées à quatre coins du tissu pour bien le poser sur une surface. Les foulards, les fichus des femmes également, qui se couvraient la tête, la gorge et les épaules étaient et sont toujours tendues par quatre épingles. Donc à mon avis, ça peut expliquer d'où vient l'image plus large d'un vêtement bien en place.
Et puis il ne faut pas négliger le fait que quatre c'est le double de deux, c'est à dire que c'est encore plus que mieux. Donc « tiré à quatre épingles », c'est extrêmement bien tiré. C'est la même idée qu'on retrouve par exemple dans « se couper les cheveux en quatre ».
Absolument, c'est très juste l'intérêt de ce chiffre quatre. Bon, je peux préciser d'emblée qu'en fait c'est le chiffre qu'on retrouve le plus dans des expressions qui contiennent un nombre. C'est peut-être pas pour rien, justement parce qu'à mon avis, il est très commode ce chiffre. Il est à la fois proche de la notion de minimum de un deux, mais je n'ai pas de minimum et il peut en même temps connoter une pluralité très nombreuse. En effet, ça peut être un nombre faible, « c'est à quatre pinces » « à vos quatre sous » ou au contraire « se mettre en quatre », « couper les cheveux en quatre » où là on a plutôt l'idée d'une signification au maximum. Au mieux c'est être habillé au mieux.
Et alors les épingles seraient, selon le dictionnaire Larousse, les gratifications pécuniaires qu'on donnait aux femmes en échange d'un service. C'est à dire qu'on offrait une femme après avoir conclu un marché avec son mari, par exemple. Qu'est ce que vous pensez de cette hypothèse Bérangère ? Oui.
On trouve ça parfois, que ce serait comme de l'argent de poche, en fait, donné aux femmes. Alors, bon, ça me paraît un peu Farfelu. À peine sexiste.
À peine sexiste, mais c'est ce qui rend la chose crédible peut être pour l'époque. Non mais bon, c'est vrai que les épingles étaient des petits accessoires vestimentaires qui avaient une certaine valeur à l'époque, donc que ça ait pu évoquer justement un tribut, quelque chose qu'on garde et qui a de la valeur n'est pas totalement déconnant. Mais je serais prudente.
Mais ça voulait dire que seules les femmes étaient tiré à quatre épingles alors que cette expression s'applique aux hommes comme aux femmes.
Ah oui, non non, là vraiment, elles s'appliquent aussi bien aux hommes qu'aux femmes, clairement.
Alors il y a une autre expression aussi qu'on peut utiliser pour dire qu'on est très bien habillé et avec un chiffre, c'est « être habillé sur son 31 ». Sauf que là, le 31, c'est une déformation de trentin. Le trentin était donc une étoffe noble avec laquelle on fabriquait les habits.
C'est ça? Alors là, aussi il y a des conflits d'interprétation, alors on dit que c'est peut être le trentin parce que c'était un drap de luxe. En fait, c'est un anachronisme avec le mot trentin qui était par ailleurs un mot très peu répandu. Donc il paraît assez peu probable qu'il soit rentré comme ça dans une expression qui était courante à l'époque. On raconte aussi que 31 était un jeu de cartes où en fait, pour gagner, il fallait faire 31 points. Bon, c'est aussi possible.
De toute façon, quand on est habillé sur son 31, il n'y a pas cette connotation péjorative quand on est habillé sur son 31, au contraire, on est hyper bien habillé et ça correspond avec la circonstance. Alors ce qui est intéressant aussi, c'est qu'il y a une autre expression avec un chiffre en Angleterre pour désigner le fait qu'on est très bien habillé. On dit là-bas qu'on est « Dress up to the nine ». « nine », donc c'est le numéro neuf. Alors peut être que ça viendrait de la déformation du mot français neuf, neuf nine et que donc on aurait mis ces habits neufs. Merci d'avoir éclairé notre lanterne à propos de cette expression. Je rappelle que le nouveau magnifique dictionnaire historique de la langue française vient de paraître : une ultime édition du Robert sous la direction d'Alain Rey. À très bientôt.
Merci beaucoup.
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