Hervé Hamon, étudiant en Mai-68
Hervé Hamon a 22 ans en Mai-68. Il est sur le point de terminer ses études quand commencent les premières manifestations dans le Quartier latin à Paris. Il nous raconte son expérience de ce mois de révolte étudiante.
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► EXERCICE - Extrait de Signes Particuliers du 05 mai 2008
► LEXIQUE
Les études : l’agrégation ; un étudiant/une étudiante.
Manifester : protester ; une revendication ; une grève.
La violence : la guerre ; en découdre ; tuer ; un soldat/une soldate.
La politique : la droite ; conservateur/conservatrice ; le pouvoir ; la gauche ; un parti ; communiste ; stalinien/stalinienne ; une autonomie ; une orthodoxie ; social/sociale.
► DOCUMENTS À TÉLÉCHARGER
Alors, vous vous souvenez, Hervé Hamon, de la première journée où vous avez, entre guillemets, le piéton de mai, rencontré ce qui se passait ?
Oh, tout à fait, ouais, c'est le jour où j'ai passé l'agrégation. Et en fait, bon voilà, on est sortis au bout d'une heure, et nous sommes descendus, je m'en rappelle, vers le boulevard Saint-Germain où, en arrivant, la première chose que j'ai vue, c'était des pavés qui volaient et des képis qui volaient. Alors, ça a été très violent pendant quelques jours, là et puis ensuite ça a été extrêmement marrant, puis c'est redevenu violent, enfin il y a eu des spasmes comme ça. Mais c'est un moment où les gens se sont mis à parler, à inventer, à rêver tout haut.
Je suppose que l'homme curieux que vous êtes, le jeune homme curieux que vous étiez a été tout de suite en prise avec ce qui se passait. Vous n'avez, rien manqué de qui se déroulait.
Complètement. Complètement. Il y a des choses qui ne me plaisaient pas, c'est-à-dire que la parodie de guerre ne me plaisait pas. Je n'aimais pas la violence, je n'avais pas de désir d'en découdre. Comme, je crois, la plupart des gens à ce moment-là, je ne voulais ni tuer, ni mourir. Ce qu'on voulait, c'était protester, manifester et on voulait faire bouger toutes les lignes. C'est-à-dire qu'on voulait bien sûr faire bouger la droite, la droite conservatrice qui tenait le pouvoir ; mais aussi faire bouger une gauche, dominée par un parti communiste qui était parmi les plus staliniens d'Europe, qui avait refusé toutes les occasions de mise à jour, d'aggiornamento, qui pouvaient se présenter et qui était terriblement aligné sur le parti communiste d'Union soviétique. Contrairement à l'idée reçue, on n'était pas dans un déferlement d'individualisme, c'est pas ça. L'idée, c'était plutôt une revendication d'autonomie. C'est l'idée que nous ne voulions pas être les petits soldats d'une orthodoxie quelconque. On se posait énormément de questions : solidarité avec le tiers-monde, solidarité avec bien sûr les ouvriers en grève, les travailleurs en grève. C'est la plus grande grève de l'histoire de France. Nous nous pensions que nous, étudiants, n'étions pas, d'une certaine façon, légitimes pour conduire le changement social, que c'était...
Ils ont perdu du temps, les ouvriers à rejoindre le mouvement.
Ben, les ouvriers, ils ont vite bougé et bien, mais ils ont été très cadenassés, si je puis dire.
Alors Hervé Hamon, vous manifestiez, vous discutiez beaucoup, je suppose.
Ah oui, tout le temps, mais tout le monde, tout le monde discutait. C'est ça qui est génial dans ces semaines-là, c'est que les gens parlent aux gens et pas simplement les ouvriers, les étudiants, tout le monde. Il y a un moment comme ça de grâce où bien sûr, ça part un peu de tous les côtés, mais en même temps, il y a une espèce de liberté de la parole, de besoin de parole.
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