Mai-68: l’éveil féministe
En 1968, Thérèse vit à Paris, elle est mère au foyer. Elle n’est pas étudiante, mais elle vit les événements de mai avec une grande intensité. Elle partage ses souvenirs d’un mois de mai qui a changé sa vie.
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► EXERCICE - Extrait du Grand Reportage du 05 mai 2008
► LEXIQUE
La révolte : une insurrection ; une manifestation ; aliéné/aliénée.
Les vêtements, l’apparence : un tailleur ; un collier de perles ; une chaussure à talons hauts ; un chignon.
La politique : la droite ; marxiste.
La religion : catholique ; un prêtre/une prêtresse ; une paroisse.
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68 a vraiment changé ma vie, et plus qu'une insurrection, ça a été une résurrection. J'avais des petits tailleurs Chanel, colliers de perles et, chaussures à talons hauts. J'étais ce genre de femme avec un chignon. Mais j'étais vraiment la vie obscure de « madame tout le monde ».
Madame promène son cœur sur les ringards de sa folie. Je trouve que madame vit sa vie.
Thérèse Clerc a 42 ans en 68 et elle s'ennuie. Elle vit à Paris avec ses 4 enfants et un mari qui a une petite entreprise. Elle a reçu une éducation catholique, bourgeoise, de droite. Mais quand vient Mai 68, elle a déjà découvert Marx grâce aux prêtres ouvriers de sa paroisse du XIᵉ arrondissement.
À travers mes curés marxistes, j'ai tout su des Beaux-Arts, de la faculté de sciences, du boulevard Saint-Michel. Et je me suis dit : « Si j'allais y voir ? ». Mon mari trouvait vraiment que c'était une espèce de chienlit, donc je me suis dit : « Oh, la chienlit, ça doit pas être si mal ».
Donc vite, vite, vite, le matin, je faisais de la cuisine et je filais aux Beaux-Arts et à la Sorbonne. Je revenais à 6 heures moins 5 pour que les enfants me trouvent à la maison. Et je ne disais rien, mais je vivais ça dans l'euphorie intérieure. Je me disais : « Mais oui, la liberté, c'est ça. Mais oui, il y a des années que je pense ça, et pourquoi j'ose pas ? Ils ont raison ces gosses de 20 ans et moi je suis une vieille peau de 42 ans, je m'ennuie à périr, je suis en train de gâcher ma vie ». D'un seul coup, je me suis dit : « Ben oui, la liberté, elle est là ! »
Et puis il y a eu le fameux 13 mai, la manif la plus longue ! J'ai fait la manif. Et là, il y a eu une vraie fraternité, il y a eu une solidarité, il y a eu quelque chose d'inoubliable. Je me suis dit qu'il y avait des centaines, des milliers de gens qui pensaient pareil, qui se trouvaient à plus d'un titre aliénés quelque part, dans leur vie, et qu'il était temps d'en sortir.
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