Dans La puce à l’oreille, Lucie Bouteloup « yoyote de la touffe ». Une expression un peu folle... Les explications avec Sylvie Brunet, linguiste et autrice de En voiture, Simone ! Tu parles, Charles. 300 expressions qui jouent avec nos prénoms aux éditions de l'Opportun.
La Puce
à l'oreille
Alors, on le disait tout à l'heure Gérard Watkins, souvent, les entendeurs de voix font peur, ils inquiètent. On les croit malades ou fous. De là à dire qu'il yoyote de la touffe, il n'y a qu'un pas. Alors, d'où vient cette expression, yoyoter de la touffe ? On en parle tout de suite avec Sylvie Brunet, que j'ai réussi à joindre au téléphone, mais avant la parole aux enfants.
Par exemple, chanter yoyo mec...
Ça voudrait dire, euh...
chanter une chanson.
Bizarre...
Yoyoter de la touffe, peut-être que ça veut dire pas prendre soin de soi. Parce que yoyoter, moi ça me fait penser à yoyo, yoyo ... ça fait des nœuds. Et donc peut-être qu'on a plein de nœuds dans les cheveux, qu'on prend pas soin de nous, donc c'est quelqu'un qui s'en fout un peu de son physique...
Je pense que c'est surtout pour les chats, quand les chats ils ont des grosses touffes un petit peu emmêlés...
Tellement, on est heureux, dans les cheveux, ils s'emmêlent et tout
du coup, on yoyote.
Quand on fait par exemple on secoue, sa tête quand on danse à la fin tu yoyotes de la touffe. Yoyoter peut-être que ça veut dire mentir ? Donc, par exemple, quand tu te teins les cheveux, et ben c'est pas ta vraie couleur de cheveux, donc tu dis : « Oh, tu yoyotes de la touffe », donc tu mens sur tes cheveux quoi.
Alors « yo » Sylvie Brunet, yoyoter de la touffe, qu'est-ce que vous pensez des propositions des enfants ?
Ah, mais c'est très imaginatif ! Là, je suis épatée de tout ce qu'ils ont sorti, tout ce qu'ils sont allés cherchés. Ça va dans toutes les directions. Ils sont partis des cheveux en fait, c'est ça qui les a trompé. Parce que les cheveux en quelque sorte, ils arrivent après dans l'expression.
Alors qu'est-ce qu'elle veut dire, cette expression, yoyoter de la touffe ?
Alors yoyoter de la touffe, ça veut dire délirer, mais pas délirer au point d'être enfermé. Ça veut dire délirer gentiment...
Perdre la boule un peu ?
Un peu, perdre la boule, pouvoir dire une chose et pouvoir dire son contraire, avoir des mouvements en quelque sorte ascendants et descendants. Tiens, ça nous rappelle le mouvement du yoyo !
Alors on monte, on descend. Il y a donc cette idée de fluctuation, de va et vient, ce qui est donc l'opposé total de la stabilité.
Voilà. Et c'est comme ça que dans... dès les années 30, on a commencé, par analogie avec ce mouvement de haut et de bas, à penser à une personne qui aurait dans son esprit des hauts et des bas, qui serait un petit peu détraquée. Et c'est comme ça qu'on a dit qu'elle yoyotait. Et pour que ce soit encore plus clair et qu'on ne se trompe pas sur le sens, eh ben on a rajouté des mots d'argot. Et bien, la touffe qui représente, bien entendu, la touffe de cheveux pour désigner la tête. Il y en avait d'autres qui pouvaient aussi convenir dans cette expression.
Oui, on peut yoyoter de la cafetière.
De la cafetière, qui représente la tête aussi en argot. On peut yoyoter de la toiture effectivement, ou de la mansarde. Tout ça, ça a le même sens : ça veut dire être un peu détraqué, mais pas dangereux.
On ondule de la toiture, on yoyote, mais on ondule aussi. Ou alors, on a une araignée au plafond, c'est-à-dire qu'on a toujours l'idée que le corps est notre maison et puis que les étages supérieurs, eh bien, il désigne la tête.
Absolument. On disait, par exemple, de quelqu'un qui n'a pas l'éclairage à tous les étages. Ça veut dire que, effectivement, quand c'est arrivé en haut, eh bien, il est dans l'obscurité. Donc voilà.
On perd la boule, on est fou, on perd la raison. On peut dire aussi qu'on est frappadingue, qu'on a une case en moins, qu'on est dérangé, qu'on est fêlé, qu'on est timbré, ou alors qu'on a été bercé trop près du mur. Un petit peu plus radical.
Absolument. C'est une jolie image, qu'on divague, qu'on débloque, qu'on déraille ou qu'on va à la campagne... Pourquoi pas ?
Alors en Allemagne, Sylvie, on dit qu'on n'a pas toutes ces tasses dans le même placard...
[...]
Quand en Angleterre,
on a une chauve-souris souris dans le beffroi. C'est une expression qu'on peut retrouver aussi en France. En Wallonie, on dit qu'on a quelques bûches hors de son fagot ou qu'on clapote du couvercle, ce qui revient un petit peu à cette idée de yoyoter de la cafetière ou de la toiture comme on disait tout à l'heure.
Effectivement, c'est très ménagé tout ça.
Bref, il existe une multitude d'expressions à travers le monde pour décrire la folie douce de l'être humain. Merci Sylvie Brunet d'être venue éclairer notre lanterne dans la puce. À très bientôt Sylvie !
À bientôt, merci à vous.
Voir moins Voir plus