« Vigilez bien vos bagages et vos effets personnels », annonce faite par un employé de la société des chemins de fer. Ce verbe vigiler n’existe pas dans le lexique standard du français d’aujourd’hui, mais son emploi et l’évidence de sa signification nous sont familiers. Bien souvent, on nous demande instamment de rester vigilants, de garder notre attention en éveil, et d’exercer une surveillance active. On oscille entre le désir d’alerter et celui de rassurer, deux idées presque contradictoires et qu’on manie donc avec prudence. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la Délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Vigilez bien vos bagages et vos effets personnels. C'est une annonce que j'ai entendu hier dans un train français faite, par un employé de la Société des chemins de fer. Avec ce verbe vigiler qui m'a un peu surpris. Mais enfin, j'ai parfaitement compris le sens de la mise en garde, et tous les voyageurs autour de moi l'ont compris également. Pourtant, ce verbe vigiler, je l'entendais pour la première fois, j'ai pensé qu'il n'existait pas dans le lexique standard du français d'aujourd'hui. J'ai vérifié, en effet, il n'apparaît dans aucun dictionnaire d'usage. Donc, on peut dire que, le verbe vigiler, il n'existe pas. Mais, en même temps, son emploi et l'évidence de sa signification montrent bien qu'on est en face d'une notion et d'une famille de mots qui sont dans l'air du temps.
Autre exemple, autre apparition étonnante d'une expression un peu parente sur RFI hier, on nous parlait du procès de la société TotalEnergie pour non-respect du devoir de vigilance en Ouganda et en Tanzanie. De quoi s'agit-il ? Eh bien, les industriels, peut-être secondés par les pouvoirs locaux, sont soupçonnés, mais enfin soupçonnés seulement, le procès n'a pas eu lieu, on est sûr de rien, soupçonnés donc de ne pas avoir été assez scrupuleux en évaluant les dangers que des forages ou des recherches de ressources naturelles pourraient faire courir à l'environnement.
Il y a d'autres exemples. On nous demande instamment, très souvent, de rester vigilants, c'est-à-dire de garder notre attention en éveil, d'exercer une surveillance active. C'est un appel à regarder autour de soi, à être conscient de ce qui nous entoure, à être en alerte, comme lorsqu'on se trouve dans un environnement où quelques étourderies, ou même parfois quelques dangers, est, non pas probable, mais possible. On nous enjoint souvent, par exemple dans le métro parisien, d'être attentifs ensemble, on sollicite des voyageurs, une attention calme, sans hystérie, sans excès, mais qui ne se relâche jamais tout à fait. C'est le principe même de la veilleuse, cette petite lumière qui n'est pas très intense, qui n'est jamais totalement éteinte. Et le nom vigilance, comme l'adjectif attentif, dans attentifs ensemble, ont été choisis avec soin. On oscille entre le désir d'alerter et celui de rassurer. Deux idées presque contradictoires qu'on manie avec prudence, parce qu'il ne faut pas déclencher de peur irraisonnée. En même temps, il faut rendre le public conscient qu'un danger peut survenir. Donc, il faut conserver cet état de veille. Et c'est là qu'on retrouve la famille du mot vigilance, dont la racine va se rencontrer aussi, par exemple dans le nom du plan Vigipirate.
Et quand la canicule menace, quand les incendies sont possibles, on parle encore de vigilance, même parfois d'alerte, avec des couleurs différentes pour les niveaux différents : le vert indique une situation où rien n'est trop inquiétant ; puis vient le jaune qui met déjà en garde ; et la vigilance orange doit encore beaucoup plus susciter de prudence, des phénomènes peut-être dangereux sont attendus ; quand la vigilance est rouge, c'est une météo exceptionnellement menaçante qui est autour de nous. Cette vigilance, donc, elle est à l'ordre du jour.
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