« Le gouvernement dégaine le 49.3 », c'est ainsi que RFI annonçait la décision de faire adopter rapidement la première partie du budget 2023. Mais pourquoi est-ce qu'on le dégaine ? L'expression est un peu familière, un peu provocatrice, et elle compare ce fameux article 49.3 à une arme. L'image de l'arme est présente à cause de ce verbe dégainer. Qu'est ce qu'on dégaine à l'ordinaire ? Un pistolet, justement. Et plus précisément, on dégaine son Colt ! L'image évoquée vient du cinéma, plus précisément des westerns... Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la Délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
« Le gouvernement dégaine le 49.3 », c'est ainsi que RFI annonçait la décision de faire adopter rapidement la première partie du budget 2023.
Alors ce 49.3, on sait que c'est un article de la Constitution, c'est l'article 49 à son troisième paragraphe qui justement permet de se passer du vote des députés pour faire passer une loi. Ici, la loi de finances pour 2023. Mais pourquoi est-ce qu'on le dégaine ? L'expression est un peu familière, un peu provocatrice, et elle compare ce fameux article 49.3 à une arme. D'autant que certains pistolets de roman ou de cinéma, ou peut être même de vrais pistolets, sont souvent nommés par des chiffres : un 6.35, un sept 7.65... Alors pourquoi pas un 49.3 ?
Mais en tout cas, l'image de l'arme est également présente à cause de ce verbe dégainer. Qu'est ce qu'on dégaine à l'ordinaire ? Un pistolet, justement. Et plus précisément, on dégaine son colt ! C'est presque une expression toute faite, dégainer son colt. Et l'image évoquée vient du cinéma, plus précisément des westerns, c'est-à-dire de ces films qui se situent dans l'Ouest américain, mettent en scène des shérifs, des bandits, mais surtout des cowboys. Alors, en anglais, de façon littérale, un cow-boy, c'est un garçon vacher, un gardien de troupeaux. Au cinéma, c'est bien plus que ça. Et on appelle ainsi presque indistinctement les personnages de ces fameux westerns quand ils sont du bon côté. On sait que les premiers westerns, en tout cas, étaient très manichéens, c'est-à-dire il y a le bien, le mal, il y a les bons d'un côté et puis il y a les autres.
Et donc, dans cette logique, les cow-boys ont bien souvent des ennemis et ils doivent se défendre. Alors, ils ont leur revolver, leur colt, au côté. Dans une gaine, c'est-à-dire un étui, c'est ça une gaine, qui est accrochée avantageusement à leur ceinture. Et dans les duels qu'on voit souvent dans ce genre de films, la victoire appartient à celui qui tire son revolver le premier, celui qui dégaine le plus vite. C'est bien ça dégainer : c'est sortir son arme pour ensuite tirer sur son adversaire. Donc, on se sert du mot pour dire qu'on réagit et souvent qu'on riposte, qu'on réplique, qu'on répond. Dans une discussion, par exemple, on peut dire qu'on dégaine un argument. Et on se sert même du mot sans complément, pour dire qu'on réagit avant l'adversaire : il a dégainé, il a dégainé le premier ! Cette image permet d'ailleurs de comprendre le sens dérivé de ce mot anglais cowboy, en français cow-boy, un mot tout à fait francisé, c'est celui qui pense qu'il peut se faire justice lui même, être armé en dépit de la loi, se servir de son arme quand il le juge judicieux. Et quand on emploie ce mot de cow-boy, c'est de manière extrêmement critique : arrête, tu ne vas pas te mettre à jouer au cow-boy, c'est comme ça qu'on l'entend. Et là, en effet, c'est un mot français.
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