S'il y a bien une élection dont l'enjeu est important, c'est la présidentielle brésilienne où se sont affrontés deux hommes, mais aussi deux styles et surtout deux conceptions de l'État et de la politique. Un duel, on l'a souvent dit, on l'a souvent lu. Alors dans un duel, on est deux. Rapidement, on peut penser que les deux mots sont de la même famille, mais c'est une erreur... Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la Délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
S'il y a bien une élection dont l'enjeu est important, c'est la présidentielle brésilienne où se sont affrontés deux hommes, mais aussi deux styles et surtout deux conceptions de l'État et de la politique. Un duel, on l'a souvent dit, on l'a souvent lu. Et ce mot de duel, il est intéressant parce qu'il renvoie bizarrement à ce qu'on appelle un combat singulier, c'est-à-dire au combat de deux lutteurs qui s'opposent. Un contre un, c'est ça qu'évoque ce mot de singulier. Le premier sens de singulier, c'est unique, c'est solitaire. Ça ressemble au mot anglais « single » qu'on connaît parfois d'ailleurs en français. Alors on va penser que c'est bizarre, que c'est contradictoire puisqu'ils sont deux. Ah oui, ils sont deux, mais il y en a un seul dans chaque camp. C'est ça qui compte. C'est un combat d'un contre un. Ça peut faire penser d'ailleurs à ces combats de champions, de guerriers réputés pour leur bravoure, leur force, qui représentent tout leur camp et qui évite des morts inutiles en même temps qu'ils sont porteurs d'une forte charge symbolique parce qu'un seul représente le tout.
Alors, dans le duel, on est deux. Rapidement, on peut penser que les deux mots sont de la même famille. Deux et duel, ça se ressemble. Eh bien, c'est une erreur, en tout cas une erreur historique et chronologique. Car ce mot de duel, il vient de duellum en latin, qui est une déformation du mot bellum qui veut dire combat ou guerre, et cetera. Donc aucun rapport avec toute la série des mots : deux, duo et cetera. Enfin, aucun rapport au départ. Vu le sens du mot duel, l'inconscient linguistique de ceux qui l'utilisent ne peut que faire le rapprochement, même si ce rapprochement est fautif. Cette erreur, on l'a fait à répétition, ça a fini par remplir le mot de sa vraisemblance : c'est presque devenu une vérité, enfin presque. Mais, l'histoire du mot duel, elle est pétrie de sa ressemblance avec la famille de deux. Et les deux mots, ils ne sont pas nés des mêmes parents, mais ils ont été élevés ensemble.
Donc, l'image du duel, elle est empreinte d'une certaine solennité. C'est un combat important, décisif, orné de règles, de rituels et dont l'issue, le résultat, est en principe décisif. L'enjeu est important. Et le duel, au sens propre, cela a été une pratique aristocratique essentielle pendant la féodalité. Au Moyen-Âge, on se battait pour son honneur et donc tout le monde ne pouvait pas se battre. Il fallait appartenir à une certaine classe sociale : être un noble, être un aristocrate, un seigneur, pour défendre l'honneur du sang. Celui qui n'était pas aristocrate, c'est-à-dire un roturier, on considérait que il ne pouvait pas défendre un honneur qu'il n'avait pas, il n'avait pas assez de noms comme on disait. Et l'interdiction des duels qui s'affirme au XVIIᵉ siècle alors qu'ils sont encore fréquents en France, correspond bien à un passage historique, c'est-à-dire qu'on a quitté une idéologie féodale, moyenâgeuse, pour passer à une monarchie, certes, mais qui est plus moderne, plus centralisée, bientôt une monarchie absolue : le roi brille et règne et les seigneurs sont d'autant moins maîtres de leur destin.
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