Annie Ernaux a été récompensée par l’une des plus prestigieuses distinctions littéraires au monde : elle a eu le prix Nobel de littérature. Connaissez-vous la différence entre écrivaine et romancière ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la Délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Annie Ernaux vient d'être récompensée par l'une des plus prestigieuses distinctions littéraires au monde. Elle a eu le prix Nobel de littérature. Et en fait des Nobel de littérature français, on en compte pas mal, beaucoup ont été ainsi nobélisé. Je dis nobélisé parce que le mot on l'entend, il est familier, il est souriant, un peu bricolé, c'est vrai, mais on l'entend souvent, nobélisé pour avoir eu le prix Nobel.
Depuis les tout débuts de ce prix, la France est à l'honneur parce que le poète Sully Prudhomme, en 1901, a été le premier à le recevoir. Le Nobel de littérature qui a fait le plus de bruit, c'est peut être celui de Jean-Paul Sartre en 1964, parce que Sartre l'a refusé. Et puis, dans les dernières décennies, on cite Claude Simon ou Jean-Marie Le Clézio, Patrick Modiano et aussi Gao Xingjian qui est particulier parce que c'est un auteur chinois naturalisé français qui a écrit dans les deux langues.
Donc revenons à notre Annie Ernaux. Elle est écrivaine, c'est comme ça qu'elle se définit. Et il y a quelques mois, cette écrivaine féministe s'était, dans une interview, rebellée contre la manière dont elle était souvent nommée. Elle précisait que les hommes qui écrivent pas de problème, on les appelle des écrivains, alors qu'elle souvent, on la présentait comme romancière alors même qu'elle n'avait pas écrit de romans depuis bien longtemps mais autre chose, des essais, des récits, etc. Alors, il est vrai qu'être écrivaine ou écrivain englobe une activité plus large qu'être romancière ou romancier. Et pourtant, ce dernier mot n'a rien de péjoratif. S'il a parfois été préféré à l'autre, c'est peut être aussi parce qu'il se féminise facilement et depuis longtemps, parce qu'il fait partie de toute une série de mots dont le masculin se termine en -er ou ier. On dit romancier, comme on dit aussi épicier, policier, pompiers, etc. Les féminins sont courants quand la profession est couramment exercée par des femmes : épicière, pas de problème, pompière, c'est plus rare parce qu'en fait l'activité est encore extrêmement masculine.
Alors pour écrivains, ce n'est pas la même chose. Il n'y a pas d'autres noms de métier qui se terminent par cette syllabe. Donc forcément, on a un effet d'étonnement les premières fois qu'on entend écrivaine. Le mot, on l'entend de plus en plus et pas mal depuis la fin du XXᵉ siècle et il a parfois amené des réflexions particulièrement illogiques, mais qui attestent bien du caractère rare du mot. Par exemple, Maurice Druon, qui était écrivain, lui, homme politique, ministre de la Culture, particulièrement anti-féministe, il s'était insurgé contre ce féminin qui lui déplaisait et il avait même noté que ce féminin « écrivaine » allait contre l'intérêt des femmes qui écrivent en donnant, disait il, une allure méprisante au mot. Ça se termine par vaine, donc ça sous entend une certaine vanité de cette activité, alors même que pour Druon, la syllabe vin dans « écrivain » ne le gênait pas du tout.
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