La police allemande a «déjoué» une attaque armée contre le Bundestag. Trois mille policiers, onze régions concernées! L’affaire semble importante. Et si la police a «déjoué» le projet, c’est qu’elle en a découvert l’existence à temps. Le mot se rencontre de façon presque automatique pour dire qu’on déjoue un complot, une conspiration, une manœuvre. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
C'est le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
La police allemande a déjoué une attaque armée contre le Bundestag, c'est-à-dire le Parlement d'Allemagne. 3000 policiers - quand même, hein ! - onze régions concernées, l'affaire semble importante et si la police a « déjoué » le projet, c'est qu'elle en a découvert l'existence à temps et en a empêché la réalisation. Alors ce verbe « déjouer », il s'utilise beaucoup quand on découvre un processus secret avant qu'il ait atteint son but. Un processus négatif, bien sûr. Et le mot se rencontre de façon presque automatique pour dire qu'on déjoue un complot, une conspiration, une manœuvre. Est-ce qu'on peut dire aussi bien qu'on évente un complot ? Eh bien, ça se dit, et les deux mots sont proches. On va plus loin quand même avec « déjouer », pzarce que « éventer », c'est découvrir le complot, le percer à jour, avec pour ce verbe une étymologie assez étrange : on « évente » au départ une mine. C'est du vocabulaire militaire. On découvre la mine, on en empêche les faits. De même que le chien de chasse, il évente un gibier ou un piège quand, malgré le vent, il le flaire, il le sent. Mais attention, si on déjoue quelque chose, on fait un pas de plus, c'est-à-dire qu'on empêche qu'il se réalise. On démantèle son organisation avant que l'action se soit mise en branle. On arrive à tout figer, alors que la conspiration, on était encore au stade du projet. Et on donne l'impression qu'on immobilise l'ennemi avant que son action n'ait commencé.
Alors il n'est pas question d'opposer une parade ou même une riposte. « Déjouer », ce n'est pas contrecarrer. Il s'en faut de quelques minutes, c'est d'une question de temps. Si on « déjoue » une attaque, on se situe avant qu'elle ne se déclare. En amont, comme on dit maintenant, en amont de son déclenchement. On a anticipé l'attaque et on dit parfois qu'on a « étouffé le projet dans l'œuf ». Il était embryonnaire, il n'était pas né, se préparait dans l'ombre. Mais cette dernière image est surtout utilisé à propos d'une révolte, d'une mutinerie qu'on mate alors qu'elle était à peine commencée.
Revenons à notre verbe « déjouer » qui peut avoir un autre emploi. Il peut être l'équivalent de l'expression « prendre en défaut ». Par exemple, on peut dire que les prisonniers ont « déjoué » la vigilance de leurs gardiens et qu'ils se sont évadés. Ils ont trompé la vigilance des gardiens. Il y a comme l'idée qu'ils se sont glissés dans un interstice, qu'ils ont trouvé le défaut de la cuirasse. Alors, ce n'est pas que les gardiens dormaient, ou surveillaient mal, non, mais malgré tout, une vigilance parfois se relâche... Et hop ! C'est ce moment que les prisonniers ont mis à profit. Ils ont été plus habiles que la résistance qu'on leur opposait et le terme est souvent utilisé aussi dans ce sens dans des commentaires sportifs : on voit comment un buteur peut « déjouer » la défense adverse.
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