À Brasilia, les pro-Bolsonaro ont saccagé le palais présidentiel, le Congrès national et la Cour suprême. Saccager, c’est casser, détruire, ravager. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Les factieux au Brésil, c'est à dire tout simplement les rebelles, ceux qui veulent renverser par la force le pouvoir établi, s'en sont pris dans la capitale de l'État, à Brasilia, au lieu du pouvoir. Alors, ils ont probablement été encouragés par les événements qui se sont déroulés à Washington il y a quelques temps après l'élection de Joe Biden. Parce qu'il y a des ressemblances. Ils s'en sont pris au palais présidentiel, au bâtiment du Congrès et à la Cour suprême. Les forces de l'ordre ont rétabli le calme, certes, mais les bâtiments symboliques du pouvoir ont été largement saccagés. Et c'est ça qui m'intéresse. C'est ce mot de saccager. Parce que saccager le verbe ou saccage le substantif, le nom, sont les mots qui sont revenus le plus souvent dans les médias francophones pour désigner ce qui s'était produit. Les émeutiers ont saccagé ce qu'ils ont pu. C'est à dire qu'ils ont ravagé les bâtiments. Est ce qu'ils les ont pillé? Pas forcément. Pas exactement. Parce que ce mot de pillage, il va en général impliquer qu'on se sert, qu'on détruit, mais aussi qu'on va voler les biens qu'on trouve dans les sites pillés. Or, dans ces désordres brésiliens auxquels on fait allusion, il n'était pas question de s'emparer de biens après avoir forcé les bâtiments qui les protégeaient. Il s'agissait de casser, mais de casser pour casser, c'est à dire de détruire des édifices symboliques, d'occuper les lieux du pouvoir, peut être de provoquer une pagaille telle qu'elle nécessite un rétablissement par la force et donc une prise de pouvoir par l'armée, mais enfin heureusement, on était loin de ce scénario. En tout cas, les saccages ont été importants, mais les vols probablement pas tellement parce qu'il n'y avait pas grand chose à voler.
Alors, est ce qu'on parle de saccage ou de mise à sac? Voilà deux expressions qui sont à peu près équivalentes. Quant au mot « sac » employé seul, il a le même sens, mais il est relativement rare et littéraire. D'abord parce que peut être on aurait peur de le confondre avec son homonyme le sac, l'enveloppe. Et ce n'est pas du tout la même chose. Le sac, c'est donc le fait de dévaster un certain lieu. Et on se souvient du titre de ce roman, « Le sac du Palais d'été » de Bernard Brisset. On est bien sûr dans une langue tout à fait littéraire, ce qui n'empêche pas le jeu de mot. Alors, le sac dont nous avons parlé, le saccage. On a dit que, à l'origine, il n'avait pas de rapport avec l'autre mot sac qui désigne une poche. Et pourtant un voleur, souvent, est imaginé avec cet équipement qui va lui servir à emporter son butin. Et ce terme, il est parfois associé avec le monde des brigands. On a parlé dans une langue ancienne, il faut bien le dire, mais on a parlé de ce qu'on appelait un homme de sac et de corde. Qu'est ce que c'est? C'est un vaurien, un gibier de potence, comme on dit, celui qui est destiné à terminer pendu, un chenapan. Mais l'expression faisait référence à des supplices utilisés pour exécuter les condamnés : homme de sac et de corde, parce que soit on les pendait, ainsi s'explique la corde, soit on les noyait enfermés dans des sacs. Il n'empêche que l'inconscient linguistique facilement a associé la mise à sac aux enveloppes de toile que les pillards peuvent emmener sur leur dos plein de richesses dérobées.
Alors, dernière ressemblance troublante mais due au seul hasard le saccage et le massacre ne sont pas non plus de la même famille et l'origine du massacre elle est plus violente encore. Massacrer ça veut dire tuer sauvagement, en particulier lorsqu'il s'agit d'une victime sans défense. Et le verbe est d'ailleurs à l'origine du nom massue, ce qui montre bien la violence de sa signification.
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