Branle-bas de combat face au projet de réforme des retraites ! » Cette expression renvoie aujourd'hui à une idée de grande agitation, un mouvement collectif désordonné. Pourtant, son origine est maritime, cette expression "« branle-bas » signifiait « À bas des hamacs ! Debout la-dedans ! Tout le monde sur le pont ». Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Branle-bas de combat face au projet de réforme de retraite. C'est le titre de RFI. Je l'ai entendu hier. Un titre attendu. Une réaction d'ailleurs attendue également, parce qu'on sait que cette réforme des retraites est assez vivement critiquée. Mais alors, pourquoi parle-t-on de ce branle-bas de combat? D'où vient ce mot étrange aux accents ancestraux? Eh bien, le sens de la formule il est assez clair, ça renvoie à une idée de grande agitation. C'est un mouvement collectif assez désordonné, mais en même temps, cela témoigne d'une conscience du danger immédiat, imminent. On sait bien qu'il faut faire quelque chose et tout de suite il faut se préparer à un événement, donc on secoue sa torpeur, même au prix d'une surexcitation un petit peu stérile. Et cette expression « branle-bas de combat », elle est tout à fait courante encore en français d'aujourd'hui, bien qu'elle soit figée et qu'on y reconnaisse comme un parfum de langues anciennes. Ça ressemble à un ordre d'un autre âge, à une expression militaire qui sort du Moyen âge. Mais son origine elle est également maritime parce que jadis, dans le jargon, la langue technique des marins, un branle, c'était un hamac. Ça se comprend. Le hamac, ça se balance, c'est un filet dans lequel on peut dormir, ça oscille et l'image est claire. Notre formule peut donc être comprise comme « Ah bah des hamacs, debout là dedans ! Levez-vous tout le monde sur le pont. » Cela sonne comme un ordre.
Et si l'expression est figée, on y reconnaît quand même à l'origine un mot fréquent en français, mais qui aujourd'hui est presque frappé d'interdit à cause de son origine et de ses échos sexuels et obscènes. Le mot « branler » étant lié à la masturbation, on a honte de l'employer dans d'autres contextes, comme s'il était devenu tout à fait tabou, alors que pendant longtemps, c'était un peu l'équivalent de bouger, de secouer. Et aujourd'hui encore, dans une langue ancienne, c'est vrai, mais on peut parler d'un branle, c'est une danse. On en entend parler parfois encore près de Pézenas, dans le Sud-Ouest de la France. Le branle du soufflet est une danse traditionnelle. Modérons aussi notre propos en considérant que ce terme a donné de nombreux dérivés très usuels, très vulgaires, mais dans lesquels l'image du verbe branler argotique n'apparaît pas. Un branleur, par exemple, c'est vulgaire, je le reconnais, mais c'est simplement quelqu'un de peu compétent qui on met peu de confiance. Et qu'est ce que c'est qu'une branlée ? Là encore, un mot d'utilisation très vulgaire. C'est une correction, une volée de coups et d'une équipe par exemple, qui a perdu un match par 7 à 0, on pourra dire « Oh, elle a pris une de ces branlées ». Et le mot continue donc sa carrière argotique, alors même que, dans un langage plus surveillé, son éclipse a profité à ses cousins. Le verbe ébranler a presque pris sa place sans qu'on y trouve rien à redire et sans souffrir de mauvais échos.
Voir moins Voir plus