En France, les grèves entrainent de fortes perturbations dans les transports : on parle d'un jeudi de galère. Dans le langage familier, la galère est synonyme de difficultés, de contrariétés, de problèmes à résoudre. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
« Un jeudi de galère, un jeudi de fortes perturbations dans les transports. » Une phrase prononcée par Clément Beaune, qui justement est ministre des Transports. Alors, c'était prévisible en cette journée d'action et de grèves en France, le gouvernement, dont le projet de réforme des retraites est fortement contesté, va mettre l'accent sur les désagréments dont peuvent souffrir un certain nombre d'usagers. Alors que ceux qui s'opposent à la réforme ou qui manifestent vont insister sur cette réponse nécessaire au gouvernement pour essayer de bloquer le projet de réforme. Mais ce qu'il est intéressant de noter, c'est aussi qu'un ministre, dans une déclaration publique, a utilisé ce mot de « galère », un jeudi de galère, c'est-à-dire de difficultés, de contrariétés. On voit bien que le mot dans ce sens est passé dans un vocabulaire très courant, même s'il reste légèrement familier. Il y a peu d'expressions familières qui ont eu autant de succès. Et celle-ci date des années 80 et on a commencé à se servir du mot comme d'une exclamation « Oh, quelle galère », c'est-à-dire quelle malchance! Et ensuite, on l'a utilisé comme un attribut. « C'est la galère » et un pas suffit pour en faire un genre d'adjectif, même si ça appartient à un langage tout à fait familier. On peut dire « oh, c'est galère », c'est-à-dire c'est pénible. Et là, on voit qu'on peut utiliser le mot sans le déterminant, c'est-à-dire sans l'article. Non pas « c'est la galère », mais « c'est galère ». Comme si c'était un adjectif. Alors ce n'est pas exactement un adjectif, ça ne peut pas être un adjectif épithète. Une voiture qui ne marche pas très bien, on ne peut pas dire que c'est une voiture galère, mais ça peut être un attribut auquel l'article n'est plus nécessaire. Donc on a vraiment l'exemple d'un mot qui change de statut en fonction de l'utilisation qu'on en fait. Il finit même par avoir le sens de problème. Je n'ai pas pu finir mon travail à temps parce que j'ai eu une galère d'ordinateur.
Alors le mot a intégré le lexique des jeunes par le biais d'un argot scolaire et d'un souvenir de classe. La galère, c'est d'abord celle de Scapin dans une pièce de Molière, « Les Fourberies de Scapin ». Où on voit ce valet canaille qui imagine un scénario pour soutirer de l'argent au vieux Géronte. Scapin prétend que le fils de Géronte a été enlevé par des Turcs qui l'avaient d'abord invité sous un prétexte dans leur bateau sur une galère, et ces Turcs, prétendument réclament de l'argent, réclament une rançon. Mais qu'est-ce que c'est que cette galère? C'est simplement le bateau donc des Turcs et c'est la forme d'un bateau. Et dans l'Antiquité, le mot renvoie à un bateau de guerre relativement rapide, mais qui est actionné à la rame. Et on sait qu'après la condamnation aux galères, c'est-à-dire à être un rameur, était une condamnation terrible. Et on parle du malheur des galériens. Ce souvenir aussi a probablement eu une certaine fonction dans l'évolution de ce mot « galère ».
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