Volgograd, grande ville russe, s’est appelée pendant 36 ans Stalingrad. Et auparavant, elle s’appelait Tsaritsyne. Comment expliquer ces changements, et que nous disent-ils de l’histoire de la Russie ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
C'est l'anniversaire de la bataille de Stalingrad et pour le célébrer, on inaugure un buste de Staline dans la ville de Volgograd. Alors un nouveau pas est franchi dans la réhabilitation du régime communiste et Staline est à l'honneur. Seulement les changements d'appellation de cette cité Volgograd sont assez révélateur d'une histoire qui défile.
Volgograd a été fondée à la fin du XVIᵉ siècle, en 1589 et au départ lorsqu'elle s'étend au bord de la Volga, il semble que ce soit une forteresse élevée pour défendre les limites de l'Empire russe. C'est presque une ville frontière et on l'appelle à ce moment là Tsaritsyne. Alors on pourrait penser que c'est un nom qui définit son destin à venir. On imagine qu'elle prend comme nom le titre de Tsar, Tsaritsyne, pour personnifier le pouvoir. Eh bien, ce n'est pas vrai du tout. C'est un simple hasard parce qu'elle est construite au confluent de la Volga, grand fleuve, et d'une rivière plus petite, la Tsaritsa. Et Tsaritsa, ça remonte à une racine qui veut dire de l'eau dans la langue tatar qui est parlée dans cette région. Donc Tsar et Tsaritsa n'ont aucune parenté linguistique parce que Tsar, ça dérive de César et ça remonte au latin. Seulement la ressemblance entre les deux mots a créé une sorte de sentiment étymologique. Même s'il est fantaisiste, il s'ancre dans les esprits. Il semble que ce soit la ville du monarque. Et lorsque le petit père du peuple va changer de silhouette, c'est plus le tsar, c'est Staline. On trouve assez logique que la ville prenne son nom en 1925, donc on appelle cette ville Stalingrad. Et puis le temps passe. 1961 arrive, c'est l'heure de la déstalinisation. Le culte de la personnalité commence à être regardé un peu de travers et donc on va de nouveau changer le nom de la ville. On va pas revenir à l'ancienne désignation, parce que ça serait trop rétrograde. Rétrograde, ça fait un peu nom de ville russe d'ailleurs, mais on ne va pas l'appeler non plus rétrograde. On revient à une logique géographique et on choisit l'autre cours d'eau qui baigne la ville, la Volga. Donc cette ville, on va l'appeler Volgagrad. Et cette alternance n'est pas totalement unique en son genre en Russie. On peut penser par exemple à Saint-Pétersbourg qui porte ce nom jusqu'à 1914, un nom aux consonances allemandes qui ce russifie, ça devient Petrograd. Et puis en 1924, c'est l'année de la mort de Lénine. La ville va s'appeler Leningrad et en 1991, après l'effondrement du bloc soviétique, elle reprend son nom de Saint-Pétersbourg et on voit quelques échos d'ailleurs à l'extérieur de la Russie de ces changements de noms. Par exemple, à Paris, la rue de Leningrad, dans le quartier de l'Europe, a été rebaptisée rue de Saint-Pétersbourg juste après le changement de nom de la ville, alors que la station de métro Stalingrad, toujours à Paris, a gardé son nom en hommage non pas à Joseph Staline, mais à la bataille de Stalingrad qui a été décisive dans la défaite des nazis.
Voir moins Voir plus