« Méta-Brouteur, un brin d’humour face aux arnaqueurs du web » : c'est le titre d'un article de RFI. Le Méta-Brouteur piège les internautes qui essaient d’escroquer les plus fragiles. Un terme qui vient du verbe « brouter », habituellement attribué aux animaux comme le mouton. Alors qui sont ces brouteurs et à quoi rime ce charabia ? Nous voici plongés dans le plus secret jargon d’internet. Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Les brouteurs à la Une de RFI et les anti-brouteurs aussi. Alors qui sont-ils ces anti-brouteurs ? Eh bien, ceux qui luttent contre les brouteurs, ceux qui les ridiculisent mettent en garde leur victime, comme le spirituel Méta-Brouteur qui signe de ce pseudonyme ses interventions. Alors pour comprendre tout ça, il faut savoir ce que c'est qu'un brouteur. Un brouteur, c'est un arnaqueur sur internet. C'est celui ou celle qui tente d'escroquer des usagers crédules. Alors, c'est un mot assez étonnant parce qu'il est bien français, ce qui est rare dans le vocabulaire de ces nouvelles technologies. À l'ordinaire, les mots sont calqués sur des termes anglais ou en dérivent. Et il semble que ces brouteurs nous viennent d'Afrique de l'Ouest, en tout cas pour le mot. Bah, il faut dire que ce genre d'escroquerie s'était beaucoup développé là-bas. Encore que cette région n'en ait pas le monopole.
Seulement pourquoi parler de brouteurs ? Eh bien les brouteurs, ce sont ceux qui broutent, qui profitent de la naïveté d'autrui. Ils broutent, c'est-à-dire qu'ils essayent en tout cas de manger la laine sur le dos de leur proie. Et spontanément, on pense à l'expression manger la laine sur le dos de quelqu'un, c'est-à-dire l'exploiter. C'est une formule assez étrange, pas très logique parce que les moutons ont les tonds pour utiliser leur laine, mais on ne la mange pas cette laine, enfin tout le monde ne la mange pas. Mais paraît-il, certains oiseaux se nourrissent justement de cette laine, ou peut-être simplement des insectes qui vont s'y cacher. Alors la phrase prend beaucoup plus de sens et d'ailleurs, il y a une parenté avec cette autre formule « tondre quelqu'un ». Il s'est fait tondre, dit-on, c'est-à-dire il s'est fait avoir, comme on peut le dire, dans une langue familière, avec parfois un intensif plus familier encore. Il s'est fait avoir jusqu'au trognon et on retrouve donc l'idée de se faire manger. Mais le trognon évoque plutôt la pomme, le fruit. Et donc on a abandonné l'image du mouton.
Ce mouton, eh bien, on sait qu'il a une image plutôt négative. Il est docile, obéissant, mais jusqu'à la bêtise. Il se laisse mener, engraisser et abattre. Et il suit le troupeau. Et là, avec ce mouton qui suit les autres, on a le souvenir des moutons de Panurge. Et les moutons de Panurge, c'est une expression toute faite en français, presque un proverbe qui rappelle un épisode des histoires fantaisistes racontées par François Rabelais au XVIᵉ siècle. Panurge est un personnage très malin qui veut se venger de quelqu'un qui s'est moqué de lui et qui possède un beau troupeau. Alors, il monte sur le bateau, Panurge, et il lui achète un animal de son troupeau qu'il paye au prix fort, et il achète justement un mouton. Et ce mouton, bah quand il est à lui, il le prend et hop, il le jette à l'eau. Et tous ses congénères, tous les autres moutons vont l'imiter, sauter par-dessus bord et se noyer. Et voilà le trompeur ruiné. Et Panurge qui rit, qui rit et qui savoure sa vengeance. Alors attention, les moutons ne sont pas des veaux, mais leur réputation n'est pas bien meilleure. D'ailleurs, comme disait le général de Gaulle, paraît-il, les Français sont des veaux. Il disait ça de façon amère, de façon peu indulgente et paraît-il en 1940, juste après la défaite française devant l'armée allemande.
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