Les bulldozers entrent en action à Antioche. Mais que sont ces engins ? Et d’où leur vient ce nom étrange et visiblement anglo-saxon ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture.
Yvan Amar.
À Antioche et dans certains autres sites dévastés par le tremblement de terre, on nous indique que, malheureusement, les pelleteuses et les bulldozers sont entrés en action. Pourquoi malheureusement ? Parce que tout simplement, cela signifie que dans ces villes, on a abandonné la recherche des survivants et on a commencé à se débarrasser des décombres laissés par le séisme. Les décombres, c'est-à-dire les ruines, les restes d'une architecture bouleversée, des maisons effondrées, etc. Tout cela doit être évacué. Et donc le processus commence par l'arrivée des bulldozers, c'est-à-dire d'engins qui sont montés sur chenilles pour avaler les accidents de terrain et qui finissent par mettre à bas tout ce que le tremblement de terre a laissé debout. Donc ils abattent des murs, des clôtures, des escaliers, ils nivellent le sol, etc. Grâce à leur puissance imposante et grâce aussi à un genre d'avancée métallique qui est fixé à l'avant de l'engin. Et cela attaque les matériaux.
Alors on sent bien que ce mot bulldozer, il est d'origine anglo-saxonne, américaine pour être précis. Le mot arrive d'ailleurs au même moment dans les deux pays, dans cette acception, dans cette signification, autour des années 1930. En anglais, le mot existait déjà avec un sens un peu familier et un souvenir particulièrement raciste parce qu'on avait appelé bulldozers des groupes d'activistes blancs qui intimidaient les électeurs noirs pour les dissuader ou les empêcher de voter dans le sud des États-Unis. Et tout cela avait commencé lors de l'élection présidentielle de 1876. Alors ce n'était pas le Ku Klux Klan, mais enfin on en est pas très loin. Ça n'allait pas beaucoup mieux et en tout cas, c'était la même idéologie qui était à l'œuvre.
Bulldozer, eh bien voilà un mot composé qui fait entendre bulle, bull en anglais, le taureau. Et puis un dérivé de dose qui veut dire attaquer. Donc c'est une machine ou un procédé assez fort pour attaquer un taureau, ou même si on prend le mot dans le sens inverse, c'est un taureau qui attaque. Bull, en effet, ça veut dire taureau, un mot dont on est légèrement familier en français. Par exemple grâce au bulldog, un chien qui a une tête de taureau ou presque une tête de taureau. Et puis on se souvient également de Sitting Bull, le célèbre chef indien surnommé Taureau assis. C'est ça que veut dire Sitting Bull.
Alors, Bulldozer, ça fait encore vraiment anglais, même si on le prononce en disant « bulle », mais souvent on dit « bull », bulldozer, on dit les deux. Alors on a proposé un équivalent bouteur, voilà un ratage total en tout cas, en France. Personne n'utilise ce mot. Personne même ne le comprend pratiquement. On a proposé une orthographe plus française avec « Bulldozeur », -eur à la fin. Même échec. Il faut s'y résigner. L'anglicisme intégrer la langue française et il est même utilisé au figuré à propos d'une personne que rien n'arrête, que rien intimide et qui peut s'attaquer aux tâches réputées les plus difficiles ou les plus impossibles, les plus infaisables quoi.
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