Un véritable pogrom, assure un témoin à propos des violences dans cette petite ville de Huwara en Cisjordanie. Mais qu’est-ce, exactement, et historiquement qu’un pogrom ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Une attaque qui fait froid dans le dos, c'est bien celle dont a été victime la petite ville de Cisjordanie où s'est déroulée une expédition punitive particulièrement violente contre tous les habitants qui d'ailleurs a suivi le meurtre de deux colons juifs par un Palestinien. Maisons incendiées ou pillées, habitants molestés, attaqués, l'un d'eux tués par balles, il s'agit bien d'une violence sans discernement qui s'est abattue sur la population. Un véritable pogrom. Et ce mot « pogrom » qui a été repris par les informations de RFI, a été prononcé par un militant israélien anti-occupation. Ce terme, dans la bouche d'un Israélien d'aujourd'hui, est extrêmement fort bien sûr. Il existe dans l'hébreu contemporain, il existe aussi en français et le mot s'est répandu dans notre langue depuis longtemps, depuis le début du XXᵉ siècle, emprunté d'ailleurs aux Russes.
Alors, au départ, un pogrom désigne une attaque menée contre les populations juives par des bandes formées de façon plus ou moins spontanée. Les attaques sont parfois préméditées, organisées, parfois, elles se déclenchent de façon beaucoup plus imprévue. Et c'est ainsi que s'exprime un antisémitisme tout à fait violent qui s'attaque à toute une population sans distinction d'âge ou de sexe. Meurtres, pillages populaires, avec toujours l'idée que les forces de l'ordre n'interviennent pas et qu'elles laissent faire. Donc ce mot de pogrom inclut la notion d'une violence connue et tolérée par le pouvoir. Et les scènes désignées par un pogrom étaient fréquentes à la fin du 19e siècle et au début du 20e en Russie, bien sûr, mais parfois ailleurs : la Pologne, la Biélorussie, l'Ukraine n'était pas épargnées. Et on entendait, dans la formation de RFI, l'expression « expéditions punitives », alors c'est une formule qui est plus lisse, moins meurtrière, même si elle est forte, mais qui ne fait pas écho à un contexte particulier et qui porte d'ailleurs en elle l'idée d'une revanche quand on parle d'une expédition punitive. C'est une réponse, c'est un châtiment presque. Ce qui n'est pas le cas du mot « pogrom ». Il arrive parfois qu'une certaine situation historique soit le théâtre de ce genre d'actions et qu'elles provoquent la naissance d'un mot. On se souvient par exemple des ratonnades qui ne sont pas plus glorieuses. Le mot est né pendant la guerre d'Algérie et il a renvoyé aux actions qui étaient menées le plus souvent par ceux qu'on appelait les nervis d'extrême droite contre des populations maghrébines. Et on y retrouve bien sûr la motivation raciste dans un nom qui est formé à partir d'une image très insultante et oubliée aujourd'hui, celle du rat.
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