Encore un cold case ? Non ; une « affaire gelée », comme nous prescrit de dire le site FranceTerme. Une expression mystérieuse : on se croirait dans un roman policier… Une expression qui évoque aussi le froid ou l'immobilité. Et la gelée alors ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Encore une affaire gelée qui vient de nous arriver et qu'il va falloir déterrer. Oh, mais qu'est-ce que c'est que ce jargon ? À priori, c'est un jargon, c'est un langage policier avec une expression qui tout récemment a été mise en avant par le site France Terme. Ce site qui, dans le cadre du ministère de la Culture, s'occupe de néologie, c'est-à-dire de la façon dont on peut trouver, redécouvrir, inventer ou combiner des termes bien français pour se garder de recourir à l'excès, à des anglicismes.
Donc, on nous parle d'affaires gelées, c'est-à-dire des affaires judiciaires qui n'ont pas livré leurs secrets, des crimes bien souvent qu'on n'a pas élucidés. Ils sont anciens, mais ils ne sont pas prescrits. Donc la justice a encore son mot à dire. Et on ne se résout pas à les laisser dormir ces affaires, on les ressort pour tenter de comprendre ce qui s'est passé il y a bien longtemps et d'identifier les coupables qui ont échappé à la justice. Ça ressemble donc bien à un jargon policier. Est-ce que c'est le cas en français ? Pas forcément. Ça le sera peut-être un peu plus tard, mais il faut bien avouer que cette expression est arrivée dans la langue française par le biais des romans policiers américains, ceux de Michael Connelly en particulier, qui très souvent tournent autour d'intrigues qui s'attaquent à l'une de ces affaires gelées, ce qu'on appelle cold case en anglais, où l'expression est tout à fait courante. Et là, pour de bon, une expression du jargon de la police américaine. Donc cette formule a été astucieusement traduite, et ce gel évoque un fait divers ancien qui est donc loin d'être tout chaud. Il a refroidi dans les mémoires et dans les archives.
Et l'adjectif gelé en français a plus d'un sens, le plus courant a un rapport évident à la température. Il s'agit d'abord de ce qui est en dessous de zéro. Quand l'eau gèle, elle devient de la glace, mais de façon subjective et imagée, on est gelé quand on a très froid, je suis complètement gelé. Mais ce qui est gelé, contrairement à ce qui est liquide, ne coule pas. On peut donc utiliser le mot pour évoquer une idée d'immobilité, d'immobilité d'ailleurs imposée. On gèle les avoirs de quelqu'un, non pas quand on les lui prend, il en est toujours propriétaire, mais quand on lui interdit de s'en servir, de les dépenser, de les transférer, parce qu'on peut présumer que leur origine est frauduleuse, pas très nette. De même, on gèle les prix quand on les bloque, qu'on empêche qu'ils flambent ou qu'ils augmentent inconsidérément. Quant à la gelée, le nom dérive de ce participe, nom féminin, la gelée ça peut renvoyer à plusieurs choses, le refroidissement au-dessous de zéro et ses manifestations. Par exemple les gelée blanche, la rosée qui se modifie sous l'effet du froid et qui gèle, mais aussi tout ce qui en se refroidissant, peut prendre une consistance particulière et coaguler à la fois ferme, mais pas très solide et donc tremblante. On parle d'une gelée de coings par exemple.
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