La mer Morte se meurt… Une façon recherchée de dire qu’elle disparait petit à petit, qu’elle meurt à petit feu... Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
La mer Morte se meurt. C'est un titre journalistique. C'est un titre que j'ai entendu sur RFI et je le trouve assez bien trouvé. D'ailleurs, on le remarque parce que justement, il fait clignoter ces deux mots, La mer Morte, elle se meurt. Alors pourquoi on l'appelle ainsi cette mer ? Pourquoi morte ? RFI nous le rappelle, elle est trop salée pour accueillir beaucoup de vies. Il n'y a pas de poisson, pas d'algue. Et c'est une mer toute petite d'ailleurs qui est au point le plus bas de la planète. En effet, sa surface, qui est située dans un creux de l'écorce terrestre, elle est à 400 mètres au-dessous du niveau de la mer, enfin, au-dessous du niveau des autres mers et des océans.
Alors pourquoi se meurt-elle justement ? Bah, parce que la sécheresse l'attaque, parce qu'il pleut trop peu, parce qu'elle se réduit d'année en année, donc elle se meurt, c'est-à-dire qu'elle est en train de mourir. Elle meurt petit à petit, elle meurt à petit feu, pourrait on dire sauf que c'est un peu bizarre pour une mer, mais on peut le dire quand même. Alors le sens qu'a maintenant ce verbe « se mourir » utilisé à la forme pronominale, c'est cela être sur le point de mourir dans ce processus qui amène à la mort. Est-ce que c'est un synonyme du verbe agoniser ? Un petit peu, mais attention, « se mourir » donne l'impression d'un mouvement plus lent, plus long. Il ne s'agit pas uniquement des derniers soubresauts, des derniers instants. C'est plutôt les avant-dernier. Mais il est vrai que parfois, « se mourir », c'est un équivalent d'agoniser mais avec un Français relativement recherché. Par exemple, dans l'une des phrases les plus célèbres de la littérature classique, on entend cette tournure : Madame se meurt, Madame est morte. C'est du Bossuet dans cette belle oraison funèbre qu'il avait composé et dit devant toute la cour, à la mort d'Henriette Anne d'Angleterre, qui était la belle-sœur de Louis XIV. Elle était jeune, elle était belle, aimée de tout le monde, à 26 ans, elle meurt. Eh bien, Bossuet fait son éloge : Madame se meurt, Madame est morte, dit-il. C'est toute l'éloquence religieuse de ce théologien qu'on entend dans ces deux phrases.
Donc ce mot mourir, c'est un verbe au sens particulier, même si en ancien français, c'était la forme la plus courante. Dans un français recherché, on l'emploie encore aujourd'hui pour dire que quelque chose, qu'une pratique, une tradition disparaît petit à petit. Avec souvent une allusion au fait que c'est progressif, oui mais c'est inéluctable, on n'y peut rien, ça va se produire. Un petit peu comme quand on dit que quelque chose va mourir de sa belle mort et il y a un sentiment un peu fataliste donc quand on emploie cette expression.
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