Nickel… drôle de nom pour un métal. On en parle beaucoup en ce moment à cause des scandales qui se développent autour de la plus grande mine d’Amérique, en Colombie. Mais quelle est l’histoire de ce drôle de mot ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF).
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
L'exploitation des mines de nickel est-elle préjudiciable à la santé des travailleurs ou même des populations qui vivent autour ? Eh bien, on s'inquiète à ce sujet, en particulier en Colombie, ce qui nous amène à nous interroger sur ce mot de nickel.
Le nickel, c'est un métal qu'on utilise parfois pur, plus souvent allié à d'autres pour faire des alliages (nichrome, platinite, maillechort, etc). Et c'est un métal relativement récent quant à son usage et à sa nomination. Parce que le mot nickel, il ne date que de la fin du XVIIIᵉ siècle avec une drôle d'histoire. On se doute bien en regardant la séquence « ck » qui est
niché en plein cœur du mot N-I-C-K-E-L, eh bien, on se doute bien que ce mot n'est pas d'origine française. Il vient du suédois. Le suédois l'avait emprunté à l'allemand. En tout cas, l'origine est germanique, c'est sûr. Il est passé par l'argot des mineurs qui travaillaient à extraire ce minerai. Alors, comme le nickel n'est pas si éloigné que ça du cuivre, on lui avait donné un nom proche de celui de cet autre métal. Mais pourquoi ? Eh bien, on se souvient qu'il y a beaucoup de légendes sur les entrailles de la terre et sur les forces mystérieuses qui peut-être s'y cachent. Alors on a associé le nickel à un lutin. Et en pays germanique, les lutins, très souvent, on les appelle Nicolas, le petit Nicolas... Nicklaus. Et ce métal bizarre, eh bien, on l'a surnommé le « lutin du cuivre », Kupfernickel, qui a fini par s'abréger en nickel, tout court, comme si ce métal avait un prénom, ce n'est pas si fréquent.
Alors au 19e siècle, on parlait de ceux qui avaient les pieds nickelés, une expression tout à fait oubliée aujourd'hui. On peut se souvenir que le participe nickelé signifie recouvert de nickel. Donc, on imagine qu'avoir les pieds nickelés, ça vous alourdissait tellement que vous étiez incapable de rien faire. D'autant qu'on sous-entendait que les pieds qui étaient nickelés, ils étaient soudés : impossible de bouger. Donc, c'est un peu l'équivalent du paresseux, de l'incapable, celui comme on dit familièrement aujourd'hui, qu'on appelle un bras cassé.
Et c'est comme ça qu'on comprend mieux d'où viennent ces héros de bande dessinée très originaux qui ont enchanté la France du début du XXᵉ siècle, « Les pieds nickelés » : Croquignol, Ribouldingue, Filochard. Originaux parce que justement, ils sont l'inverse des héros positifs : ils sont malhonnêtes, ils sont escrocs, ils se débrouillent pas très bien, c'est-à-dire qu'ils essaient de faire des coups, ils sont franchement voleurs, bandits, etc, mais ça rate toujours.
Et puis, ce mot, nickel, est encore tout à fait productif puisqu'on le retrouve dans une expression courante : « C'est nickel », ou même en superlatif « c'est nickel chrome », qui veut dire simplement « c'est sans bavure », c'est absolument net, il n'y a rien à reprendre, ce qui donne bien l'image de ce qui est lisse, à tel point qu'on peut s'y regarder comme dans un miroir.
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