Les bidonvilles de Mayotte sont-ils encore debout ? Plus pour longtemps peut-être… Mais à propos quel est ce mot étrange de bidonville ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF).
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
À Mayotte, cette île française de l'archipel des Comores, l'autorité politique aurait bien voulu détruire un bidonville. Mais comme la justice s'y est opposé, l'opération est à l'arrêt. Le bidonville est toujours debout. Enfin debout ? Est-ce que c'est la position qu'on associe spontanément à un bidonville ? Non, parce que ce mot évoque la décrépitude, le mauvais état, la possibilité d'un effondrement. Et, ce qu'on appelle un bidonville, c'est un quartier délabré, une accumulation d'habitations bricolées, de bric et de broc, avec des matériaux de récupération. Pas d'architecte, pas de maçon, on est un petit peu débrouillard et on va assembler des plaques de tôle ou de planches, ou de poutres, ou de vieux cartons, etc. Ça fait, non pas vraiment une maison, mais un toit de fortune pour s'abriter des intempéries et ne pas dormir à la belle étoile. Et souvent, ces assemblages, ils se regroupent pour former, pas vraiment une ville, non, mais quelques pâtés de maisons, et on appelle ça un bidonville. Avec ce mot qui fait référence à ces contenants, ces bidons, c'est-à-dire des boîtes métalliques qu'on peut découper pour en faire des parois.
Et le terme de bidonville, on l'a entendu d'abord à Casablanca à la fin des années 30, quand le Maroc était sous mandat français, on luttait comme on pouvait contre la misère. Au Brésil d'ailleurs, on parle à peu près dans le même sens de favela. Le mot reste lié à la situation brésilienne, mais on l'utilise souvent en France sans le traduire.
Et de toute façon, le nom bidon, il est souvent associé à une situation précaire ou même fausse, mais qui se fait passer pour vrai. On évoque une apparence, un faux-semblant. Un contrat bidon, par exemple, c'est un faux contrat qui n'a pas de valeur, qui n'a pas de légalité. Alors attention, nous sommes vraiment dans un langage familier. De la même façon, on parle d'un emploi bidon, c'est plus ou moins un emploi fictif. « J'ai été victime de fausses promesses », je peux très bien dire : « Tout ça, c'était du bidon. On m'a fait croire des choses qui n'existaient pas dans le but de me tromper. »
Alors comment comprendre ce sens argotique sachant que, au sens premier, un bidon, c'est un récipient ? On parle d'un bidon d'eau, d'huile, d'essence. Est-ce qu'on parle d'un bidon de vin ? Ce sens n'est plus vraiment attesté aujourd'hui. Il a dû l'être parce qu'on a formé jadis, et là encore dans un français familier, le verbe bidonner qui voulait dire boire, boire trop d'ailleurs, s'enivrer. Et le sens péjoratif de bidon dérive des paroles de l'ivrogne. Celui qui est ivre, il dit n'importe quoi, et on le soupçonne d'invention, de vantardise.
Et à partir de là, le mot a désigné ce qui n'est qu'un faux-semblant, en particulier pour parler de quelqu'un de creux ou de lâche. Tout ce qu'il prétend, tous ces bons sentiments, tout ça, ça n'existe pas. Il est bidon !
Quant au verbe bidonner, il a également un sens très actuel dans l'argot des médias. Une interview bidonnée, c'est une interview fictive qu'on a mis en scène, mais en fait, elle n'a jamais eu lieu de cette façon que l'on présente.
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