Agenda des cent jours, feuille de route des cent jours… Des expressions qu’on entend constamment en France en ce moment. À quoi font-elles référence ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF).
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture.
Yvan Amar.
Agenda des cent jour, feuille de route des cent jours... Voilà une expression qu'on a beaucoup entendu récemment dans les discours qui venaient du pouvoir français, et d'ailleurs à l'initiative du président de la République qui souhaiterait qu'un certain nombre de chantiers, c'est-à-dire essentiellement un certain nombre de réformes, aient abouti le 14 juillet, juste cent jours après son annonce. Alors, qu'est-ce que c'est que cent jours ? Un peu plus de trois mois. Seulement, un peu plus de trois mois, ça ne fait pas un compte rond, alors que cent jours, alors là, oui, ça c'est bien rond. Eh bien, on a pris l'habitude de faire les premiers bilans des nouveaux gouvernements cent jours après leur entrée en fonction. Alors que dans le cas qu'on mentionne, c'est évidemment le contraire, on s'y prend cent jours à l'avance et on se donne rendez vous le 14 juillet, date évidemment très symbolique pour les Français.
Alors ces cent jours ne représentent pas uniquement une période qui est facile à décompter. Il renvoie également à un épisode célèbre de l'histoire de France. Célèbre, mais pourtant pas tellement glorieux, et qui s'est tragiquement terminé avec le désastre de Waterloo. Un désastre pour l'armée française, bien sûr. Et ces cent jours font référence au retour au pouvoir de Napoléon Iᵉʳ après un premier exil à l'île d'Elbe, juste en face de sa Corse natale. Donc, Napoléon se décide pour un coup de force. Il débarque à Golfe-Juan sur la côte méditerranéenne, on n'est pas très loin de Nice, et il remonte vers Paris avec une poignée de fidèles qui s'accroît au fur et à mesure de son avancée. Napoléon retrouve son trône. Il reprend ses guerres européennes. Pendant cette très brève période qui, par définition, ne sera nommée qu'après coup, parce que pendant les cent jours, on ne savait pas que ça durerait cent jours. Et d'ailleurs, est-ce que ça dure vraiment cent jours ? Eh bien, non.
Techniquement, la dénomination n'est pas absolument juste parce que la période dure plutôt 110 jours et elle s'applique d'abord à la durée de l'exil du roi Louis XVIII. Elle a été inventée par Chabrol de Volvic qui était le préfet de la Seine, mais surtout elle a été ensuite reprise par l'écrivain Benjamin Constant qui l'a consacré dans son ouvrage « Mémoires sur les Cent-Jours », paru peu après en 1819. Et ensuite, Chateaubriand va reprendre la formule. Donc, c'est une expression historique, mais qui est d'abord littéraire et qui s'écrit de façon tout à fait particulière avec deux majuscules : C pour cent, J pour jour et un trait d'union entre les deux mots.
Et tout cela témoigne bien d'une mathématisation du calcul du temps qui est une tendance très contemporaine, très à la mode. Mais enfin, elle est déjà à l'époque, parce qu'un petit peu plus tôt, on a eu le calendrier révolutionnaire qui avait remplacé les semaines par des décades, c'est-à-dire de courtes périodes de dix jours.
Et aujourd'hui, on continue sur cette lancée, même si c'est avec des nombres moins ronds. Mais par exemple, on parle très couramment de 24 heures pour parler d'un jour, un cycle nycthéméral comme on dit très techniquement, de midi à midi, le lendemain par exemple. Mais on parle aussi de 36 heures, un jour et demi, c'est-à-dire deux jours et une nuit. On parle de 48 heures, deux jours, et de plus en plus on parle de 72 heures pour une période de trois jours.
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