À Mayotte, un quartier informel qu’on va démolir… Est-ce donc un quartier sans forme ? Pas du tout… Alors pourquoi informel ? Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF).
Le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
L'opération «Wuambushu» a bien commencé à Mayotte, et les pelleteuses sont déjà en action pour s'attaquer au «décasage» comme on dit là-bas, c'est-à-dire à la démolition d'un certain nombre de bidonvilles, notamment dans le quartier informel de Majicavo. Informel, eh bien, voici l'adjectif dont on se sert beaucoup dans la presse pour désigner ce quartier. Est-ce que c'est un euphémisme ? En tout cas, on en est pas loin, et c'est une façon très politique, très journalistique, et somme toute assez propre de parler de ce qui passe au travers des mailles de la réalité administrative, calibrée, répertoriée. On se trouve dans un espace sans reconnaissance officielle et qui échappe à beaucoup d'obligations : par exemple, les normes de sécurité. Est-ce pour autant un espace tout à fait clandestin ? C'est plus subtil que ça. Ce qui est informel, ça correspond souvent à un genre de tolérance. On accepte cette situation parce que sans cela, les choses seraient invivables. Et peut-être la paix sociale menacée. Alors, les logements sont insalubres, oui, certes, mais ils existent. Et pour beaucoup, il vaut mieux vivre dans un logement insalubre que dehors. C'est branlant, certes, mais ça tient encore à peu près. Les matériaux sont assemblés de bric et de broc. Oui, mais on a un toit sur sa tête. Et ce mot informel, c'est-à-dire dire qui échappe aux formes officielles, c'est un mot vague, passe-partout, qui indique bien que l'autorité publique ferme les yeux et permet une précarité qui souvent est une sorte de survie pour beaucoup de gens. Et bien entendu, un bidonville, ce mot qu'on expliquait il y a encore quelques jours, appartient à ce secteur informel.
Et de même, on parle souvent de commerce informel. Là encore, on n'a pas de boutique, pas de pas-de-porte, on ne paye pas de patente, l'argent passe de la main à la main, il n'y a pas de facture, pas de fiche de paye. On gagne sa vie comme on peut.
Et dans d'autres contextes, tout à fait différents, on parle aussi de rencontres informelles. Et là, il s'agit d'une manifestation qui est moins officielle que d'autres. Ce n'est pas une conférence qu'on a prévue longtemps à l'avance, dont l'ordre du jour est fixé, avec des décisions qui seront publiées et rendues publiques. Non. On souligne que la rencontre, elle est moins rigide, il y a peu de protocole, pas tellement d'étiquette. Et on suggère aussi qu'il y aura peut être moins de langue de bois que dans une réunion officielle. On pourra y aborder plus facilement des sujets délicats et on entrera dans le vif de façon moins codée.
Alors, est-ce que les deux mots formel et informel ont le même sens que le couple officiel - officieux ? Pas exactement. Il y a des similitudes, mais officieux a un sens plus abstrait. Une déclaration, par exemple, qui est faite en dehors du cadre ordinaire peut être officieuse, mais pas un quartier ni même un commerce.
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