Le français de l'université - Définir et discuter un concept : la glottophobie
Écoutez une interview de Philippe Blanchet, professeur en Sciences du langage, et analysez son explication du mot « glottophobie ». Cet exercice s’adresse notamment aux étudiants et étudiantes qui souhaitent se familiariser avec le français universitaire.
Publié le :
► EXERCICE - Extrait de La danse des mots du 12 février 2016
► LEXIQUE
Les discriminations : la glottophobie ; la xénophobie ; l’homophobie ; l’islamophobie ; la glottophagie ; la diglossie ; le linguicisme ; le racisme ; discriminer ; empêcher ; un rapport social ; une oppression ; un enjeu ; un lieu de pouvoir ; exclu/exclue.
Les mots et les langues : un modèle ; un préfixe ; forger ; désigner ; un dérivé ; une famille de mots ; courant/courante ; utilisé/utilisée ; construit/construite ; un radical ; parler ; transparent/transparente ; un jargon ; un terme ; linguistique ; une langue ; employer ; un/une polyglotte ; un locuteur/une locutrice ; interagir.
Le raisonnement : penser ; un terrain d’observation ; un travail ; repérer ; osciller ; une dialectique ; pointer ; considérer ; un contexte ; déterminer.
La société : un rapport ; les gens ; le monde ; social ; un enjeu ; humain/humaine ; politique ; économique ; culturel/culturelle ; l’éducation ; une identité ; une population ; un groupe ; une personne ; une société ; une relation.
► DOCUMENTS À TÉLÉCHARGER
► TOUS LES ÉPISODES DU PODCAST SUR RFI
Blanchet. Bonjour et merci d'être avec nous. Bonjour, donc dans ce petit livre, vous expliquez ce qu'on appelle la discrimination linguistique en disant que c'est un type de discrimination qui passe inaperçu, qui est important mais qui est relativement peu étudié. Comme s'il était d'une certaine façon sous entendu, comme s'il y avait une espèce de transparence autour de cette discrimination qu'on voyait moins que d'autres. Alors d'abord, dans votre titre, vous utilisez ce mot de phobie. Expliquez nous ce que vous entendez par photophobie?
J'ai effectivement forgé ce terme sur le modèle de mots désignant des discriminations pour d'autres prétextes que linguistique, comme xénophobie, homophobie ou islamophobie. Celle là, c'est le modèle, le préfixe auto pour désigner les langues.
Alors que l'auto, c'est la langue.
Oui, c'est ça, et on a déjà.
L'organe, je crois. Oui, oui.
La langue est l'organe et on a déjà des dérivés de l'auto avec polyglotte ou avec la l'autophagie dont parlait déjà Louis-Jean Calvet il y a très longtemps et qui est en lien direct avec mon travail.
Sur mot sur de la même famille. Comme diglossie évoque bien sûr le fait de parler. Et on pensera bien sûr au célèbre Pangloss, ce personnage de Rabelais qui a le verbe haut parce que justement, il peut tout dire.
Alors pourquoi j'ai inventé ce mot? C'est parce qu'il existait déjà deux autres façons de désigner ces discriminations un prétexte linguistique, un mot qui est courant au Québec, qui est le mot courant, qui est utilisé au Québec, notamment par les spécialistes, et qui est le mot l'anglicisme qui a été construit sur le radical sur le modèle de racisme et qui marche très mal parce que les gens ne voient pas du tout ce qu'on veut dire par là.
Ce n'est pas transparent, ce n'est pas transparent.
Et discriminatoire et ça fait jargons, et l'anglicisme n'est pas forcément un terme négatif. Or, il fallait désigner qu'il s'agit d'une discrimination et donc que quelque part, c'est quelque chose de négatif ou de condamnable. Et je n'ai pas voulu garder discrimination linguistique parce qu'il y a une tendance ancienne, notamment dans le monde francophone, à considérer les langues en elles mêmes et pour elles mêmes. Et on aurait pu penser qu'on discriminer les langues et seulement les langues. Moi, ce que je voulais signifier, c'est qu'en discriminant des usages linguistiques, en fin de compte, ce qu'on discrimine, c'est les gens, les locuteurs comme on dit, les gens qui parlent le français ou une autre langue d'une certaine façon, et donc ça sert de prétexte. A mon avis, illégitime, je ne suis pas le seul à le penser. Il y a y compris des textes internationaux qui le disent qui sert de prétexte à discriminer les gens. Alors empêcher l'accès à l'éducation, à l'emploi, à des des du logement. J'ai des exemples comme ça, des discriminations à l'accès aux soins par exemple.
Ça pose des problèmes qui sont pas très faciles d'accès. Parce qu'on peut dire dans un premier temps que la langue est un très bon terrain d'observation des rapports sociaux et en particulier des rapports dominant, dominé, oppresseur, opprimé. Mais là, si on le formule comme chien de le faire, on considère la langue comme comme un terrain, seulement, comme comme un paysage d'une certaine façon, qui permet de repérer ces oppressions. C'est si on va un peu plus loin, on verra que non seulement la langue est le paysage, c'est ce cadre, mais que c'est un outil qui joue aussi pour ou contre une discrimination. Et dans votre étude, si je me trompe pas, vous essayez un peu d'osciller entre les deux, de mettre en place une genre, un genre de dialectique, d'allers retours entre ces deux façons de voir.
Oui, c'est tout à fait ça et ça répond en partie à ce que vous pointez dans votre première intervention. Le fait qu'on perçoit pas les discriminations linguistiques comme des discriminations dans une grande majorité des cas, parce qu'en fin de compte, on a tendance à en retirer les langues et les pratiques linguistiques des enjeux sociaux, des enjeux humains, des enjeux politiques. Et donc, on considère que quand on parle de langue, on parle de choses qui sont exclusivement linguistiques. Or, effectivement, comme vous le disiez à l'instant, les langues sont à la fois. D'une certaine façon, ce qui fait le monde social, donc le contexte dans lequel les gens non seulement interagissent mais vivent, construisent le monde, ont des relations les uns avec les.
Autres et se construit par rapport à ça. Et on.
Se construit avec les langues, les permis de.
Quitter son éducation, sa façon d'être, bien sûr, de se de se voir. C'est ça rapport à la langue ou aux langues qu'on emploie.
Enfin, je dis souvent compris à mes étudiants que c'est une façon d'exister au monde. On existe au monde à travers un certain nombre de ressources linguistiques. Et du coup, comme les langues sont partout dans le social et que tout le social est linguistique d'une manière ou d'une autre, on peut effectivement utiliser les langues comme des instruments pour agir. Sur le social pour agir sur la vie des sociétés et pour justement mettre en place des filtres qui permettent de favoriser certaines populations ou certains groupes de population. Et puis de discriminer, donc de refuser à un certain nombre de personnes et de groupes de personnes l'accès par exemple à des lieux de pouvoir. Pour le français, c'est très très clair. On voit bien que l'accès aux lieux de pouvoir, y compris politique et économique, mais surtout politique, économique et culturel, est déterminé par la pratique du français. Il y a d'autres langues qui sont exclues et d'un certain type de français et pas d'autres types de français.
Voir moins Voir plus