Le français de l'université - Présenter son travail de recherche: sorcières, tyrans, héros
Écoutez une interview d’Elara Bertho, chargée de recherches au Centre National de la Recherche Scientifique, et analysez les expressions qu’elle emploie pour parler de ses recherches. Cet exercice s’adresse notamment aux étudiants et étudiantes qui souhaitent se familiariser avec le français universitaire.
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► EXERCICE - Extrait de Idées du 11 septembre 2019
► LEXIQUE
La littérature et les arts : publier ; un héros/une héroïne ; une figure ; la culture ; (se) forger ; une pièce de théâtre ; une réécriture ; un récit ; une maison d’édition ; une chanson ; l’imaginaire ; une utilisation ; un personnage ; un intellectuel/une intellectuelle ; un écrivain/une écrivaine ; un chanteur/une chanteuse ; un usage ; une réception.
L’Histoire : un résistant/une résistante ; la lutte ; anticolonial/anticoloniale ; les indépendances africaines ; une archive ; retracer ; réinvestir ; un contexte ; la colonisation ; résister ; une bataille ; un colon ; un homme/une femme politique ; une trace ; la préservation ; le patrimoine un Rhodésien/une Rhodésienne [le mot Rhodésie est utilisé à partir de 1892 par les premiers colons anglais pour désigner les possessions de la British South Africa Company en Afrique australe - wikipédia] ; un grand homme ; une forte personnalité ; réhabiliter ; un combat ; un affrontement ; national/nationale.
Les croyances : un esprit ; invoquer ; un prêtre/une prêtresse ; un sorcier/une sorcière.
La recherche : une thèse ; un terrain ; étudier ; chercher ; montrer ; enquêter ; s’intéresser ; se passionner pour ; comparer ; des travaux ; un fonds ; un chercheur/une chercheuse.
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Et vous venez donc d'écrire ce livre. Cette thèse publiée aux éditions Honoré Champion, qui s'intitule Sorcières, tyrans, héros, mémoires postcoloniales de résistants africains. C'est un travail, C'est une thèse qui étudie en quelque sorte la fabrication, toujours entre guillemets, de trois héros de la lutte anticoloniale qui ont été ensuite récupérés par la politique, par la culture, la littérature ou la musique. Après les indépendances, c'est cela?
Oui, absolument. J'ai voulu travailler sur trois figures de résistance, c'est à dire des hommes et des femmes qui se sont opposés à la pénétration coloniale à la fois dans le.
IXᵉ siècle.
Au 19ᵉ, mais à la fin du XIXᵉ siècle, et qui ont ensuite connu une période d'oubli relative dans les années 20-30, mais qui émerge dans la culture, en tout cas de manière extrêmement importante au moment des indépendances, au moment où il faut pour les nouveaux Etats africains se forger des figures fondatrices. Et donc ces héros nationaux investissent la radio, les pièces de théâtre, les salles de spectacle, la littérature. Et c'est ce trajet là, depuis les archives coloniales jusqu'à nos jours, en passant par cette formidable explosion littéraire dans les années 60 que j'ai voulu retracer.
Alors nous allons reparler de ces trois personnages importants qui concernent trois pays différents. Il faut les nommer la Guinée, le Niger et le Zimbabwe, deux pays francophones et un pays anglophone.
Oui, absolument.
Par hasard ou c'est une volonté de votre part.
Alors c'est à moitié un vague. J'avais commencé à tirer sur le Niger et je voulais continuer de travailler sur cette figure de femme qui m'avait vraiment passionné et que je voulais continuer à étudier. Et je me suis mise à chercher d'autres figures qui avaient le même parcours. Et c'était important pour moi d'être à cheval sur un contexte de colonisation française et un contexte de colonisation britannique pour montrer les différences qu'il y avait entre ces deux colonisations, mais également une grande régularité. Et je voulais également montrer différents types d'ampleur d'utilisation. Sarracenia est une reine.
Nous sommes au Niger, au Niger.
Qui a été la reine d'un petit village et qui a résisté l'espace d'une journée. La bataille dure une journée. Née en Dar Es un.
Nous sommes au.
Zimbabwe, au Zimbabwe et le nom d'un esprit shona qui est invoqué et qui est également le nom de la prêtresse qui invoque cet esprit et elle s'est opposée aux colons britanniques pendant deux ans. Samory en Guinée, est un homme et il s'est opposé pendant plus de 20 ans. Donc ces trois figures me permettent de montrer des ampleurs de résistance différentes et en même temps une grande homogénéité dans leur réécriture. C'est à dire que ce qui me semblait très intéressant, c'est que ces figures sont différentes, mais en même temps, elles sont utilisées de la même manière dans les récits et par les hommes politiques également à partir des années 60 70.
Nous allons donc parler de ces trois figures, trois personnages, en essayant de voir ce qui est vrai et ce qui relève de l'imaginaire en ce qui les concerne. Mais d'abord, revenons sur ce travail d'enquête. Vous dites que vous avez mené et la Roberto, une véritable enquête policière pour retrouver les traces de ces trois personnages en allant dans les trois capitales de ces pays.
Oui, il me semblait important de faire une histoire à parts égales, si je puis dire, dans l'histoire de ces réécritures. Donc, je suis littéraire à la base, mais j'ai pratiqué ce que les anthropologues appellent un terrain, même si c'est beaucoup plus modeste, parce que j'ai fait un terrain d'archives et donc il me semblait vraiment primordial de comparer des textes français édités en France dans des maisons d'édition prestigieuses et toutes sortes d'autres matériaux que l'on ne peut trouver que sur place, notamment les archives radio qui sont peu exploitées par les chercheurs. Il y a vraiment des mines dans ces archives et les archives télé également, et également toutes ces archives nationales qui permettent de restituer l'histoire coloniale. Donc je me suis rendu au Niger où j'ai complété mes travaux de master. Je me suis rendu également à Conakry qui conserve la radio et télévision de Guinée à la RTG, des archives sonores absolument merveilleuses et au Zimbabwe qui était encore à l'époque sous Mugabé et qui a des conditions également de préservation des archives coloniales. Assez importantes.
Ces archives vous ont apporté ce que vous attendiez alors?
Beaucoup plus que ce que j'imaginais en Guinée, qui a un fond sonore vraiment merveilleux, notamment le label Si l'iPhone, qui était un label qui a été créé sous Sékou Touré. Donc là, c'était extrêmement intéressant de voir la richesse de ce patrimoine sonore. Le nombre de chansons qui mentionnaient Samory était vraiment au delà de mes espérances. Au Zimbabwe, en revanche, je n'ai pas pu rentrer à la radio et ça, ça mérite d'être mentionné aussi. Il y a des ratés de la recherche.
À ce que vous dites, non.
Et on ne m'a pas laissé entrer parce qu'on a cru que gens qui étaient sur Mugabé ont estimé que je n'avais pas les bons papiers pour pouvoir entrer, ce qui n'était pas le cas. En revanche, j'ai pu rentrer dans les archives coloniales et là, effectivement, j'ai pu travailler. Ce n'était pas facile non plus de rentrer. Beaucoup de chercheurs n'avaient pas pu y entrer. Moi, j'étais hébergé par l'université du Zimbabwe qui m'a beaucoup aidé et notamment à rentrer dans ces archives coloniales. Ce qui m'a permis notamment de voir les journaux de marche des Rhodésiens, des colons britanniques. Et c'était des archives vraiment très intéressantes et notamment la photo qui a été prise, donnée à sa capture. C'était un beau moment.
Et il faut d'abord s'interroger sur le choix de vos trois personnages. À un moment, vous écrivez dans votre test à la page 207 Je vais faire comme lors des journaux d'hôtels. Je vous prie de vous reporter à la page 207 où il est écrit Pour Nietzsche, il y a La fabrique des grands hommes est profondément injuste et ne relève en aucun cas du domaine du vrai. L'histoire des fortes personnalités, entre guillemets, est faite de l'oubli de toutes les autres. Pourquoi avez vous choisi ces trois personnages singulièrement?
J'ai choisi ces trois personnages parce qu'il y a deux femmes fortes et qu'il me semblait important de réhabiliter ces figures de femmes qui ont été nommées par les colons. Sorcières. Sarracenia, c'est opposé à la triste colonne Voulais et chanoine qui a fait des dégâts considérables sur son passage et a été appelé par ces deux officiers, une sorcière. Tout simplement parce que nous, il n'y avait pas de mots pour décrire ce qu'était une femme de pouvoir qui avait un pouvoir à la fois religieux, politique et certainement aussi militaire. Et de même, Léonidas était accusé d'être en anglais witch witch doctor et ce qui me semblait vraiment important d'aller voir ce qu'il y avait derrière cette appellation et que recouvrait le terme sorcières pour ces hommes. Parce que la colonisation a été faite par des officiers qui mettaient sous ce terme là un type de féminité qu'ils ne comprenaient pas. Et je voulais aussi m'intéresser à un héros masculin pour essayer de montrer les différences qu'il y avait entre des hommes et des femmes.
Le héros qui est le plus ambivalent? On le verra tout à l'heure, dites vous.
Voilà. Et puis, pour revenir à Nietzsche, ce qui m'intéresse dans ces trois figures, c'est que quelle que soit la réalité de cette résistance, c'est à dire que pour Saravia, on doute, vu les archives, qu'elle ait vraiment pris part au combat, Les archives coloniale d'Aix en Provence montrent qu'il y a un nombre important de balles, donc c'est tout ce qu'on a. C'est tout ce qu'on sait de cet affrontement du 15 avril 1899 dans le village de Lugo, tout près de Dongo. Douchy. On sait qu'il y a eu un nombre très important de balles, donc on sait qu'il y a eu combat, mais on n'est pas sûr que ça y ait pris part. Et pourtant, comme dit Nietzsche, c'est pas vraiment la vérité de ce qui s'est passé qui est important, mais surtout quel usage on en fait. Et donc l'usage en tant que héroïne nationale a été fait dans les années 70 et 80, notamment par Seyni Kountché qui s'est emparé de cette figure que lui tendait un intellectuel qui s'appelle Abdoulaye Mamani pour en faire vraiment une héroïne nationale. Donc la fabrique des grands hommes et des grandes femmes. C'est dommage que le terme n'existe pas. Il faudrait le forger, passe par le rôle des intellectuels, le rôle des écrivains, des chanteurs et par une réception aussi très enthousiaste.
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