« Déjà-vu » est une expression française qu’on entend parfois en anglais… Mais qui, en français, a deux sens très différents : soit c’est une critique de ce qui voudrait se faire passer pour original, tout nouveau, mais qui ne l’est pas. Soit c’est un sentiment étrange, on fait l’expérience d’un moment qu’on a l’impression d’avoir déjà vécu dans une autre vie... Écoutez les explications d'Yvan Amar dans cette chronique, avec sa transcription.
Déjà-vu est un mot de l'opération Dis-moi dix mots à tous les temps.
En partenariat avec la Délégation Générale à la Langue française et aux Langues de France (DGLFLF).
C'est le mot de l'actualité avec la délégation à la langue française du ministère de la Culture. Yvan Amar.
Parmi les dix mots qui représentent cette année la langue française, on note plusieurs locutions. Alors des mots composés ou bien des formules qui ne sont pas exactement des mots composés, mais presque des expressions toutes faites qui combinent plusieurs mots. Par exemple, le « déjà-vu » qui est à l'honneur et qui a une particularité notable, le « déjà-vu » a deux significations tout à fait différentes.
D'abord, cette expression, elle sert de jugement. C'est une appréciation assez négative à propos le plus souvent d'un objet culturel : film, pièce de théâtre, un livre même qu'on va critiquer parce qu'on dit que c'est un genre de redite, que ce film, cette pièce utilise des procédés dont on a déjà été spectateur auparavant. Ça a été nouveau à une époque. Ah là oui, c'était de l'inédit, là, ça surprenait agréablement. On n'avait encore jamais fait ça. Ça avait l'intérêt du neuf. Mais aujourd'hui, c'est du déjà-vu. Alors c'est décevant. D'autant plus qu'il n'y a pas si longtemps, ça a vraiment été révolutionnaire. S'en servir maintenant, comme si ça venait de sortir de l'œuvre, non, c'est tiède. Alors ces manières de faire, on en a fait déjà l'expérience. Ça manque de vraie nouveauté. On voit que cette critique est très sévère, mais elle est souvent aussi un peu condescendante, un peu hautaine parce qu'elle met celui qui l'exprime dans la position du spectateur qui a une vraie culture, qui connaît l'histoire. Il est un peu blasé, peut-être et pour le séduire, pour l'étonner, il faut faire du vrai neuf, pas du faux quoi, pas du neuf avec du vieux.
Mais cette même expression de « déjà-vu » a une signification tout autre dans un contexte non pas du tout culturel ou esthétique, mais psychologique. Et c'est la traduction en français d'une formule allemande de Freud qui désigne une sensation très particulière. Il nous arrive quelque chose dans la vie, on perçoit quelque chose, on vit une certaine scène, et puis subitement, on a l'impression qu'on l'a déjà vécu. Cela s'est déjà passé. Où ça ? Dans un passé lointain, dans une autre vie, dans une autre couche de sa propre vie ? On ne sait pas trop, c'est une sensation étrange, mal expliquée, qui donc peut donner lieu aux explications les plus fantaisistes parce qu'on a l'impression qu'on touche un peu à ce qu'on appelle le paranormal. On n'est pas vraiment dans le rationnel et on a une impression d'irréalité avec ça. Et cette expression, donc, le « déjà-vu » en français, a eu un succès très particulier parce que c'est une expression qui s'est exportée. Ainsi, dans la langue anglaise, on s'est emparé de cette formule qui maintenant fait partie du vocabulaire où elle s'est intégrée en prenant l'accent local. En anglais, on peut dire le « déjà-vu ».
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